Amália Rodrigues • La ville s’éveille
Amália Rodrigues (1920-1999) • La ville s’éveille. Pierre Cour, paroles françaises ; Alberto Janes, musique. Adaptation d’une chanson originale portugaise (titre inconnu). Alberto Janes, paroles originales portugaises.
Amália Rodrigues, chant ; José Fontes Rocha & Carlos Gonçalves, guitare portugaise ; Pedrol Leal, guitare ; Joel Pina, basse acoustique.
Enregistrement : Paço de Arcos (Portugal), studios Valentim de Carvalho, 1971.
France, ℗ 1971.
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C’est une curiosité : La ville s’éveille, enregistrée et lancée en 1971 à destination du public francophone, est une chanson d’un auteur-compositeur portugais, Alberto Janes, dont Amália n’a enregistré que l’adaptation française. Idem de La mer est mon amie, du même auteur, parue sur le même disque 45 tours — à ceci près que cette dernière a connu une version italienne, Il mare è amico mio.
Alberto Janes était l’auteur-compositeur — entre autres — du célèbre Vou dar de beber à dor, un des plus grands succès de vente de disques d’Amália au Portugal (de même qu’en France, sous la forme de son adaptation La maison sur le port). Ses chansons, le plus souvent écrites sur un tempo énergique, étaient particulièrement prisées des publics non lusophones, et donc très utiles lors des récitals à l’étranger.
La ville s’éveille, avec son agréable mélodie typique des compositions d’Alberto Janes, est une marche rapide, bien enlevée par les guitares volubiles. Le chant, en revanche, semble légèrement empêtré dans la diction de cette langue qu’Amália n’aimait décidément pas chanter :
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Eu não gosto de cantar francês, não gosto do som da língua francesa para cantar. Para nós, portugueses, há uma dificuldade muito grande em pronunciar certos sons e quem está a cantar preocupada em pronunciar bem, já não está a cantar, já não se entrega.
Amália Rodrigues (1920-1999). Dans : Vítor Pavão dos Santos. Amália, uma biografia. Lisboa, Ed. Presença, 2005, p. 125.Je n’aime pas chanter en français, je n’aime pas le son de la langue française pour le chant. Pour nous Portugais, c’est très difficile de prononcer certains sons et quand il faut se concentrer sur la prononciation, on n’est plus en train de chanter, on ne peut pas se donner entièrement.
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C’est bien ça.
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Amália Rodrigues (1920-1999)
La mer est mon amie ; La ville s’éveille (1971)
La mer est mon amie ; La ville s’éveille / Amália Rodrigues, chant ; José Fontes Rocha & Carlos Gonçalves, guitare portugaise ; Pedrol Leal, guitare ; Joel Pina, basse acoustique. — Production : France : Columbia, ℗ 1971.
Enregistrement : Paço d’Arcos (Portugal), studios Valentim de Carvalho, 1971.
1 disque 45 t : Columbia, 1971.
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Comme vous dites il y a cette difficulté de diction oui, mais autre chose aussi je crois. La voix d’Amália sonne vraiment différemment en français. On la reconnaît toujours, mais la couleur vocale paraît changée, un peu plus pâle, comme si ce n’était pas vraiment elle. À moins que ce ne soit la difficulté à s’exprimer dans cette langue qui induise ce sentiment, je ne sais pas.
Oui, elle sonne différemment, c’est flagrant. Plus pâle, dites-vous ? J’aurais dit plus dure, non ? Et aussi — je ne sais pas, c’est une impression que je n’arrive pas à cerner vraiment : un peu vulgaire. Est-ce une sorte de biais de perception, parce que ce genre de chanson, avec ses paroles écrites dans un style qui avait déjà, en 1971, un aspect ringard, était associé à un type de variétés démodé ? Ou parce que l’accent, bien perceptible, donne à cet enregistrement un aspect de « chanson exotique » (Dalida, Rika Zarai et autres), un genre à ce moment-là complètement déclinant en France ?
C’est peut-être, seulement, qu’elle essayait de s’appliquer (à former les « r », les « an »…), au détriment du naturel. Car elle ne donnait pas du tout la même impression dans son français parlé, qui avait beaucoup de charme.
Il y a cette dureté aussi oui, c’est le mot, et cette pointe de vulgarité, même si je n’avais pas osé le penser ! Cela vient sans doute comme vous le dites de ce manque de naturel qui fait que son interprétation sonne faux, malgré (ou plutôt à cause de) ses efforts. Transmettre le sens du texte parlé dans le chant reste en effet une épreuve redoutable, a fortiori quand il s’agit d’une langue étrangère, et même quand on la parle bien. La musique introduit une dimension supplémentaire qui distrait des mots, tout comme le souci de bien les prononcer.