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La plainte à voix d’ombre des saudades

18 janvier 2021

Lisbonne. Vue depuis la terrasse de l'église São Vicente de Fora (Igreja de São Vicente de Fora), 19 mars 2017
Lisbonne, quartier d’Alfama. Vue depuis la terrasse de l’église São Vicente de Fora (Igreja de São Vicente de Fora), 19 mars 2017.

[…]
Mon sang portugais s’est perdu dans la mer de ma Négritude.
Amalia Rodriguez [sic], chante ô chante de ta voix basse les saudades de mes amours anciennes
Des fleuves des forêts des voiles, des océans des plages de soleil
Et les coups donnés et le sang versé pour des choses futiles.

J’écoute au plus profond de moi la plainte à voix d’ombre des saudades.
Léopold Sédar Senghor (1906-2001). Élégie des saudades, dans : Nocturnes (1961).

Amália Rodrigues (1920-1999)Alfama. José Carlos Ary dos Santos ; Alain Oulman, musique.
Amália Rodrigues, chant ; José Fontes Rocha, guitare portugaise ; Martinho d’Assunção, guitare classique.
Extrait de l’album Cantigas numa língua antiga / Amália Rodrigues. Portugal : Edições Valentim de Carvalho, ℗ 1977.


Quando Lisboa anoitece
como um veleiro sem velas
Alfama toda parece
Uma casa sem janelas
Aonde o povo arrefece.

Quand Lisbonne s’enfonce dans la nuit
Comme un voilier sans voiles,
Alfama* toute entière
Semble une maison sans fenêtres
Où le peuple prend froid.

É numa água-furtada
No espaço roubado à mágoa
Que Alfama fica fechada
Em quatro paredes de água
Quatro paredes de pranto
Quatro muros de ansiedade
Que à noite fazem o canto
Que se acende na cidade
Fechada em seu desencanto
Alfama cheira a saudade.

C’est dans une mansarde,
Espace volé à la tristesse,
Qu’Alfama reste prise
Entre quatre murs d’eau,
Quatre murs de larmes,
Quatre murs d’inquiétude
Qui, la nuit, font le chant
Qui s’allume dans la ville
Enfermée dans sa désillusion.
Alfama a une odeur de saudade.

Alfama não cheira a fado
Cheira a povo, a solidão,
Cheira a silêncio magoado
Sabe a tristeza com pão
Alfama não cheira a fado
Mas não tem outra canção.

Alfama n’a pas une odeur de fado.
Elle sent le peuple, la solitude,
Elle sent le silence meurtri,
Elle a un goût de tristesse et de pain.
Alfama n’a pas une odeur de fado,
Mais elle n’a pas d’autre chanson.
José Carlos Ary dos Santos (1936-1984). Alfama (1970).
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José Carlos Ary dos Santos (1936-1984). Alfama, trad. par L. & L. de Alfama (1970).
* Alfama est un quartier de Lisbonne. José Carlos Ary dos Santos, l’auteur du poème, y demeurait. Sa maison était située dans la rua da Saudade — la rue de la Saudade.

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Lisbonne, quartier d'Alfama, 19 mars 2017

3 commentaires leave one →
  1. simone griscelli permalink
    18 janvier 2021 14:39

    « Les malheureux n’ont pas besoin d’autre chose en ce monde que d’êtres capables de faire attention à eux. La capacité de faire attention à un malheureux est chose très rare, très difficile; c’est presque un miracle, c’est un miracle. Presque tous ceux qui croient avoir cette capacité ne l’ont pas. Ce regard est d’abord un regard attentif, où l’âme se vide de tout contenu propre pour recevoir en elle-même l’être qu’elle regarde tel qu’il est, dans toute sa vérité. Seul en est capable celui qui est capable d’attention.”
    Simone weil

  2. Marion Dorval permalink
    18 janvier 2021 21:05

    Que lindo! Je ne savais pas que Sendar Senghor avait écrit sur Amalia… douce saudade. Merci, son fado fait partie des petites douleurs exquises qui me rendent la vie plus… lisboète. 🙂

    • 18 janvier 2021 22:20

      C’est un long poème. La référence à Amália se trouve tout à la fin.

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