Pod papugami • Czesław Niemen, Fábia Rebordão
Czesław Niemen (1939–2004) • Pod papugami. Bogusław Choiński & Jan Gałkowski, paroles ; Mateusz Święcicki, musique.
Czesław Niemen, chant ; Bossa Nova Combo, ensemble instrumental.
Pologne, 1963 (enregistrement).
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Je ne comprends rien à cette chanson où il est question de perroquets et de perruches, de balançoires, de bar nickelé, de drapeaux jaunes, de ponts éclairés de lanternes. Pod papugami (« Sous les perroquets »), une chanson du début des années 1960 qui semble très connue en Pologne si on en juge par le nombre de reprises qu’elle a suscitées, a été rendue célèbre par Czesław Niemen (1939–2004), qui en a lui-même enregistré plusieurs versions. Le premier couplet donnerait, avec l’aide de traductions automatiques, ceci : « Sous les perroquets, il y a un grand bar nickelé / La chaleur brille comme un drapeau jaune au-dessus des verres / Qui reflètent la douceur colorée des filles. / Ils voudraient jacasser et se balancer avec les perruches. » On n’y croit pas.
Quelle infirmité, tout de même, que de ne pas comprendre le polonais, quel manque ! Une vie à refaire. Cela dit mon professeur de russe (à l’université de Rennes) prétendait, pour s’y être essayé lui-même, que c’est une langue impossible à apprendre : « Pensez, une déclinaison à sept cas, sept ! C’est à devenir fou. » Elle est pourtant parlée par un certain nombre de personnes, il me semble. Nées dedans, il est vrai ; ce serait peut-être la condition.
Je ne suis allé qu’une fois en Pologne, à Cracovie. Je crois que c’était à l’été 80 – l’été de Gdańsk, bien que les deux événements soient absolument dissociés dans ma mémoire. Le passeport qui aurait pu attester de la date du voyage n’existe plus, mais ça ne pouvait être que cette année-là. Je me souviens d’un parcours au fond de spectaculaires vallées slovaques, sans aucune halte (il me revient maintenant que nous n’avions qu’un visa de transit pour la Tchécoslovaquie, valide quelques heures). Nous avons sans aucun doute pénétré en Pologne par le poste-frontière de Chyżne, à une centaine de kilomètres au sud de Cracovie, non loin des premiers contreforts des Tatras. Pour qui venait de « l’Ouest », les franchissements de frontière des pays du Pacte de Varsovie étaient à l’époque assez impressionnants. On attendait beaucoup, par principe. Les voitures étaient souvent fouillées, les gardes-frontière passaient sous le châssis des miroirs qui ressemblaient à de grandes poêles à frire. Obligation était faite aux étrangers de se procurer un minimum de monnaie locale, tant par jour et par personne, non ré-échangeable en devises occidentales. Dûment muni d’une certaine quantité de złotys ou autres, on finissait par passer.
À Cracovie, on s’est adressé à l’office du tourisme pour un endroit où dormir. Je me souviens d’un guichet très haut côté usager, de sorte qu’on parlait avec l’employée comme par-dessus un mur, elle assise à son bureau en contrebas. C’était une personne théâtrale. Sa gestuelle était celle du cinéma muet, sa diction celle de la scène, comme si elle sortait de répétition et tardait à changer de registre. À moins que son expérience des deux univers, le théâtral et le réel, l’ait portée à conclure qu’ils étaient identiques. Elle pratiquait un français pittoresque, plein de r crépitants, de é prononcés è (comme font généralement les Polonais), dans lequel elle a déclamé : « Vous voulez chambre dans privée maison ? » (« Vous voulè chambrre dans prrrrrivè maison ? »), avec une emphase particulière sur les deux derniers mots. Sur notre assentiment, elle s’est comme enfoncée dans son bureau pour téléphoner à voix basse, la bouche quasiment à toucher le combiné du téléphone. Après quoi elle nous a écrit l’adresse sur un papier qu’elle nous a remis avec des mines de conspiratrice.
La « privée maison » était un appartement habité par une dame dans la cinquantaine et son fils, francophones l’une et l’autre. La dame, extrêmement joviale, ressemblait en tous points à la Castafiore de Tintin – voix chantante, corpulence de soprano colorature, nez en pince de homard –, si ce n’est qu’elle avait les cheveux noirs et extrêmement rares, de sorte qu’elle tenait également, quant à son apparence, du professeur Tournesol. Pour le retour elle nous a demandé de prendre à notre bord, si ça ne nous ennuyait pas, jusqu’à la frontière ou un peu avant, une personne dont je ne sais plus si elle était une parente, une amie ou juste une voisine. C’était une femme blonde d’une trentaine d’années, qui s’est assise à l’avant, son panier sur les genoux. Je conduisais, elle ne parlait que polonais, ce qui anéantissait toute velléité de conversation.
La route, à un certain endroit, passait à quatre voies. La circulation était presque inexistante, tout juste une auto qui devait avancer à 50 à l’heure et qu’il était donc aisé de doubler. Quelques kilomètres plus loin, la police nous a fait signe de nous arrêter. Je ne sais plus dans quelle langue s’est déroulée la conversation, j’ai oublié. Mais j’ai bien compris qu’on me reprochait ce dépassement. Le policier disait qu’il était interdit de doubler et qu’il fallait, séance tenante, payer une amende de tant. Or nous avions pris la précaution de dépenser l’intégralité de notre argent polonais avant de quitter le pays, pour la raison énoncée plus haut. Il me semble que nous n’avions pour tout argent liquide que quelques livres sterling qui me restaient d’un voyage en Angleterre. J’ai dit au policier, en les lui tendant, que c’était tout ce que j’avais. Il m’a demandé si en France on pouvait payer ses amendes en złotys – ce qui m’a fait rire. Comme il avait bon caractère, il a accepté ce rire en guise de paiement et nous a laissés repartir sans autre formalité. La dame blonde au panier était restée fixée à son siège durant tout l’épisode.
Nous voici bien loin de Pod papugami. Figurez-vous qu’il en existe une adaptation en portugais, intitulée Mocidade (« Jeunesse »). C’est pourtant la version originale polonaise qu’a choisi, par on ne sait quelle lubie, d’enregistrer Fábia Rebordão. Sa prononciation semble tout à fait honnête, pour autant que je puisse en juger – du moins a-t-elle un tour suffisamment acrobatique pour faire impression. Rebordão était le nom de naissance d’Amália Rodrigues. Amália Rebordão. Fábia est en effet de la famille : Amália était sa grand-tante.
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Fábia Rebordão • Pod papugami. Bogusław Choiński & Jan Gałkowski, paroles ; Mateusz Święcicki, musique.
Fábia Rebordão, chant ; instrumentistes non précisés.
Portugal, 2018.
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Pod papugami jest szeroko niklowany bar
Nad szklaneczkami chorągiewką żółtą świeci skwar
Tu przed dziewczętami kolorowa słodycz stoi w szkle
Wraz z papużkami chcą szczebiotać i kołysać sięNa powietrznych swych huśtawkach
Na parkietach i na mostach
Według kolorów włosów, sukien
I według wzrostuPod papugami wisi lustro, w którym każdy ma
Most z lampionami, promenadę do białego dniaNa powietrznych swych huśtawkach
Na parkietach i na mostach
Według kolorów włosów, sukien
I według wzrostu
Bogusław Choiński (1925-1976) & Jan Gałkowski (1926-1989). Pod papugami (1963).
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🙂 Disons que *Sous les perroquets * c’est le nom d’un bar,où chacun peut trouver son *pont éclairé des lanternes,une promenade jusqu’à l’aube blanche* (Most z lampionami,promenadę do białego dnia), un moment des rêves dans une réalité plutôt grise.
*Sous les perroquets il’y a un grand bar nickelé,
la chaleur brille comme un petit drapeau jaune au-dessus des verres,
dans ces verres la douceur coloré se tient devant les filles,
et leur donne envie de jacasser et se balancer avec les perruches*
C’est beaucoup mieux comme ça ! Dziękuję 🙂
Le polonais de Fabia Rebordão est presque parfait,je suis impressionné
C’est une autre interpretation de la chanson,elle me plaît beaucoup. Kora,décédée en 2018,était une des personnes le plus charismatiques du rock polonais
Ah oui, c’est vraiment bien. Le clip aussi, d’ailleurs. Merci !