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Alfredo Marceneiro | O pajem

3 novembre 2019

Avec Alfredo Marceneiro (1892-1980) : retour aux fondamentaux du Fado, presque à ses racines. « Presque » oui, car le fado s’est individualisé en tant que genre distinct au milieu du XIXe siècle. Marceneiro représente l’archétype de ce qu’était le fado du XXe siècle avant qu’Amália Rodrigues le dénationalise et le façonne à sa mesure en y coulant toute sorte d’influences tierces. Son avènement a produit un raz-de-marée.

Marceneiro, le plus illustre représentant du fado « castiço » (« authentique »), n’a pour ainsi dire pas de postérité. Ni lui, ni ceux des fadistes de sa génération qui se sont produits essentiellement dans les maisons de fado et peu dans les théâtres, et qui ne se sont rendus dans les studios d’enregistrement qu’avec réticence. Marceneiro en avait horreur, lui qui considérait que le disque « industrialisait le fado ». Son legs discographique est de ce fait assez mince.

Il était à la fois un compositeur extraordinaire (toutes ses compositions sont devenus des classiques, repris par les autres fadistes et parfois par lui-même sur d’autres textes) et un admirable chanteur. On reconnaît instantanément sa voix étonnante qui ressemble à un pleur, son style de chant reposant sur de discrets ornements, refusant tout effet dramatique.

Sa seule faiblesse réside dans la piètre qualité générale des textes de ses fados. Défaut d’ailleurs assez bien partagé par ses collègues d’alors – à l’exception notable d’Amália Rodrigues, encore elle. Et si Amália a interprété beaucoup de ses musiques, c’était toujours sur d’autres poèmes que les originaux ; elle n’aurait probablement jamais repris un texte comme O pajem (« Le page »).

Alfredo Marceneiro (1892-1980) | O pajem. Fernando Teles, paroles ; Alfredo Marceneiro, musique (Fado Pajem).
Alfredo Marceneiro, chant ; António Chainho & Acácio Rocha, guitare portugaise ; Pais da Silva & José Maria Nóbrega, guitare classique. Portugal, date indéterminée.

Todas as noites um pagem
Com voz linda e maviosa
Ia render homenagem
À marquesinha formosa

Toutes les nuits un page
De sa voix splendide et suave
Allait rendre hommage
À la belle marquise
Mas numa noite de agoiro
O marquês fero e brutal
Naquela garganta de oiro
Mandou cravar um punhal

Mais une certaine nuit fatale
Le marquis féroce et brutal
Dans cette gorge d’or
Fit planter un poignard
E a marquesa delirante
De noite em seu varandim
Pobre louca alucinante
Chorando, cantava assim:

Et la marquise dans son délire
Le soir, sur son balcon
Pauvre folle hallucinée
Chantait à travers ses larmes :
Óh minha paixão querida
Meu amor, meu pagem belo
Foge sempre minha vida
Deste maldito castelo

Ô ma chère âme
Mon amour, mon beau page
Fuis pour toujours, ma vie
De ce château maudit.

Fernando Teles. O pajem. Fernando Teles. Le page, traduit de : O pajem par L. & L.

Camané a repris O pajem tel quel, paroles et musique, dans son album Camané canta Marceneiro (2017). Plus inattendue est la contribution de Mísia, dans le projet Mediterraneo de Christina Pluhar avec son ensemble L’Arpeggiata (2013). Mísia, qui s’approprie à nouveau le Fado Pajem, dans un tout autre style, à l’occasion de son récent album Pura vida (banda sonora) (2019, disponible en France fin novembre), sur un poème de Tiago Torres da Silva intitulé Ausência.

Mísia & L’Arpeggiata | O pajem. Fernando Teles, paroles ; Alfredo Marceneiro, musique (Fado Pajem).
Mísia, chant ; L’Arpeggiata, ensemble instrumental ; Christina Pluhar, direction.
Extrait de l’album Mediterraneo / L’Arpeggiata, Christina Pluhar, direction. Europe, ℗ 2013.

4 commentaires leave one →
  1. françoise BINET-KNEBELMANN permalink
    3 novembre 2019 15:52

    obrigada .Ces billets sont toujours un plaisir.

  2. Zup permalink
    25 février 2020 16:08

    Puis-je ajouter une petite correction :
    Dans la traduction du poème ‘O Pagem’, le dernier quatrain n’est pas bien formulé.

    « Fuis ma vie pour toujours
    De ce maudit château. »

    au lieu de

    « Toujours ma vie s’enfuit
    De ce château maudit. »

    D’ailleurs dans l’extrait vidéo, Misia dit bien:
    « Foge sempre A minha vida
    Deste maldito castelo »

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