Damia | La chaîne
Damia (1889-1978). Studio Harcourt (Paris), 1944. Domaine public.
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Damia (1889-1978) : la « tragédienne de la chanson », la créatrice des fameux et justement célèbres Goélands de Lucien Boyer ou de Sombre dimanche, la version française de la déprimante chanson hongroise Szomorú vasárnap.
Elle se produisait devant un rideau noir, vêtue d’une robe noire, éclairée par un projecteur – un seul. Elle est la première chanteuse en noir de l’histoire. Cela aussi, outre son type de répertoire, jusqu’à sa gloire, Édith Piaf le lui a pris après guerre. Sa période à elle, c’est l’Entre-deux-guerres. Paris. Une vie, un milieu, un air du temps impossibles à concevoir aujourd’hui.
Pour le cinéaste Aki Kaurismäki, qui a fait de Damia l’un des personnages de son film Le Havre (2011), elle est « la plus grande chanteuse de tous les temps » (L’Humanité, 19 mai 2011, Entretien avec le cinéaste Aki Kaurismäki).
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Damia (1889-1978) | La chaîne. Émile Ronn, paroles ; Léo Daniderff, musique.
Damia, chant ; orchestre, direction Pierre Chagnon. France, 1928.
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Le jour où l’on s’est rencontré
Lorsque nos yeux se sont fixés
Ton regard dur comme l’acier
Semblait dire quand même
Je t’aime
Et j’ai compris que le destin
M’avait placée sur ton chemin
Comme une proie que l’on entraîne
En lui mettant la chaîneAlors, dès le premier baiser
Entre nous j’ai senti passer
L’ardent frisson qui fait germer
En de longues caresses
L’ivresse
Et tous nos baisers nés d’hier
Se faisant plus fous et pervers
Dans une étreinte plus certaine
Ont rivé notre chaîneMais un jour, las de trop s’aimer
Ah, comme l’on s’est bien trompé
Chacun voulant se délivrer
Pour vivre une autre vie
Folie
Si bien que sans amour au cœur
Lèvre à lèvre pleins de rancœur
Entre nous se dressa la haine
Sans briser notre chaîneJe te hais comme tu me hais
Mais je sens bien que désormais
Nous ne nous quitterons jamais
Quoi qu’on dise ou qu’on fasse
Grimace
Et nous irons ainsi toujours
Comme deux forçats de l’amour
Rivés au boulet et qui traînent
L’infamie de leur chaîne.
Émile Ronn (1870-1935), pseudonyme de Henri Alphonse Lemonnier. La chaîne (1911).
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