Dans un repli du temps
Voici que s’avance la gloire du monde.
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Voici qu’elle est passée.
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Emportée. Dans la nuit froide de l’oubli, comme on dit.
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Je marche le long du caniveau. Pas à pas, j’arrive à l’endroit où je t’ai vu pour la première fois, ou peut-être la deuxième ; je ne sais plus. Je m’arrête, j’essaie de me souvenir de toi, de repérer dans l’atmosphère de ce banal après-midi quelques traces de ce que furent tes mouvements, tes halètements, ton silence désolé.
Je me souviens de ne t’avoir regardé qu’un instant, de t’avoir épié comme on épie un autre soi-même, un double, une abstraction. Tu étais gêné, mal à l’aise, comme quelqu’un qui est en train de commettre une imprudence.
[…]
Je t’ai revu l’espace d’un instant, recroquevillé, éperdu. Alors que j’essayais de te retenir, de t’appeler pour justifier mon voyage et, en même temps que ce voyage, le coup de fil de l’autre jour, pour me disculper totalement, tu as disparu, tu t’es fondu à jamais dans un repli du temps qui m’est inconnu.
Mario Fortunato. Extrait de : Lieux naturels, traduit de Luoghi naturali (1988) par François Bouchard. Rivages, 1988, ISBN 2-86930-210-X, p. 130 et p. 132.
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Juliette Gréco | Les feuilles mortes. Jacques Prévert, paroles ; Joseph Kosma, musique ; Juliette Gréco, chant ; accompagnement d’orchestre. Captation : Berlin, salle non identifiée, 1967 ?