Mélancolie portugaise
Le chien marchait devant, de plus en plus las. Quelquefois il s’asseyait au milieu de l’allée et il fallait crier son nom : « Oswald ! », pour qu’il consentît à poursuivre son chemin. Elle m’a expliqué que ce n’était pas la paresse mais la mélancolie qui lui donnait cette allure nonchalante. Il appartenait à une variété très rare de dogues allemands, tous atteints d’une tristesse et d’un ennui de vivre congénitaux. Certains même se suicidaient. J’ai voulu savoir pourquoi elle avait choisi un chien d’humeur aussi sombre.
— Parce qu’ils sont plus élégants que les autres, m’a-t-elle répliqué vivement.
Aussitôt j’ai pensé à la famille de Habsbourg qui avait compté dans ses rangs certains êtres délicats et hypocondriaques comme ce chien. On mettait cela au compte des mariages consanguins et on appelait leur état dépressif la « mélancolie portugaise ».
— Ce chien, ai-je dit, souffre de « mélancolie portugaise ».
Patrick Modiano. Villa triste (1975). Gallimard, impr. 1976, p. 27.
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António dos Santos (1919-1993) | Partir é morrer um pouco. Mascarenhas Barreto, paroles ; António dos Santos, musique, chant, guitare. Bande-son extraite de l’album Minha alma de amor sedenta / António dos Santos (1972).
Voam mágoas em pedaços
Como aves que se não cansam
Ilusões esparsas no ar.
Partir é estender os braços
Aos sonhos que não se alcançam
Cujo destino é ficar.
Mascarenhas Barreto. Partir é morrer um pouco, extrait.…
Des confettis de tristesse volent
Comme des oiseaux infatigables,
Comme des illusions répandues dans l’air.
Partir c’est tendre les bras
Vers des rêves hors d’atteinte
Qui ont pour destin de rester.
Mascarenhas Barreto. Partir, c’est mourir un peu, extrait, traduit par L. & L. de Partir é morrer um pouco.
Magnifique ! Merci 🙂