Née sous le signe du tourment
Moi, Tamar, je suis née sous le signe du tourment. Petite, j’ai senti le frisson de l’épouvante me secouer le crâne. Je suis restée figée à l’endroit où j’étais, à la fenêtre de la voisine, je n’ai pu dire ni à ma mère ni à quiconque de quoi il s’agissait, je l’ignorais moi-même. J’étais férocement suspendue dans la peur, sous sa domination.
C’est ainsi que moi, Tamar, j’ai commencé à partir sous des cieux étrangers, loin de tout ce que je connaissais, mère, père, arbres, chaises, maison, soleil. Je ne voulais pas devenir étrangère, cela se produisait malgré moi, le frisson en décidait au gré de ses caprices. Soudain, les éléments connus n’étaient plus vraiment les mêmes, les mêmes personnes, les mêmes père et mère, arbres, chaises, maison, soleil. Toute chose adoptait une ombre plus sombre, plus inquiétante, la lumière se faisait plus vive, les contrastes s’intensifiaient au point de me gêner.
Ornela Vorpsi. Ci-gît l’amour fou, traduit de Fuorimondo (2012) par Nathalie Bauer. Actes Sud, impr. 2012, ISBN 978-2-330-01246-5, page 7.Io Tamar sono nata sotto il segno del tormento. Ragazzina ho sentito il brivido dello spavento percorrermi il cranio. Sono rimasta ferma dov’ero, al davanzale della vicina, non ho potuto dire a mia madre né a nessun altro di che cosa si trattasse perché nemmeno io sapevo. Ero sospesa con ferocia nella paura, sotto il suo dominio.
È stato cosí che io Tamar ho cominciato ad andare fuorimondo, lontano da tutte le cose che conoscevo, madre, padre, alberi, sedie, casa, sole. Io non volevo diventare estranea ma succedeva, malgrado me, il brivido decideva secondo i suoi capricci. D’un tratto, tutto quello che conoscevo erano e non erano piú le stesse cose, le stesse persone, gli stessi madre e padre, alberi sedie casa e sole. Tutto assumeva un’ombra piú scura e inquietante, la luce era piú forte, i contrasti esaltati a tal punto che m’infastidivano.
Ornela Vorpsi. Fuorimondo (2012). Einaudi, impr. 2012, (L’arcipelago Einaudi ; 188), ISBN 978-88-06-21015-1, page 5.
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Amália Rodrigues (1920-1999) | Estranha forma de vida. Amália Rodrigues, paroles ; Alfredo Marceneiro, musique (Fado bailado) ; Amália Rodrigues, chant ; Domingos Camarinha, guitare portugaise ; Castro Mota, guitare classique.
Vidéo : RTP [Rádio e Televisão de Portugal], 1965.
Foi por vontade de Deus
Que eu vivo nesta ansiedade
Que todos os ais são meus,
Que é toda a minha saudade
Foi por vontade de Deus.
C’est la volonté de Dieu
Que je vive dans cette inquiétude
Que toutes les plaintes soient miennes
Que toute la saudade soit mienne
C’est la volonté de Dieu.
Que estranha forma de vida
Tem este meu coração
Vive de vida perdida
Quem lhe daria o condão?
Que estranha forma de vida.
Étrange façon de vivre
Que celle de mon cœur
Vivre une vie d’égarement
Être sans emprise sur soi-même
Étrange façon de vivre.
Coração independente
Coração que não comando
Vives perdido entre a gente
Teimosamente sangrando
Coração independente.
Cœur indépendant
Cœur désobéissant
Tu vis perdu dans le monde
Tu saignes, obstinément
Cœur indépendant.
Eu não te acompanho mais
Para, deixa de bater
Se não sabes onde vais,
Porque teimas em correr?
Eu não te acompanho mais.
Je ne t’accompagne plus
Arrête-toi, cesse de battre
Si tu ne sais pas où tu vas
Pourquoi t’obstiner à courir ?
Moi, je ne t’accompagne plus.
Amália Rodrigues (1920-1999). Estranha forma de vida. Amália Rodrigues (1920-1999). Étrange façon de vivre, traduit de Estranha forma de vida par L. & L.