Les yeux verts — Ojos verdes
[…] regarde, écoute, ce temps étrange, il vient, long, il est long, lent, il n’y a plus de travail, n’y aura plus de travail, les longs chômages de la fin du 20ème siècle, tu as entendu dire, ont commencé, vont rester là, devenir séculaires, disons la même chose de l’été, l’été commence, disons-le comme ça, l’été commence, les longues journées de l’été, elles sont lentes et profondes, en resteront là pour l’éternité, viens, viens qu’on parle, encore, de tout, c’est le bonheur de la vie, de cette ville océane, c’est de là qu’elle sortira des eaux, de ce fleuve, elle est celle de l’autre versant, écoute, regarde-la, elle vient, elle est celle qui vient, elle, la perte du monde, regarde, la voici, tu la reconnais, elle est notre sœur, notre jumelle, elle vient, salut, on lui sourit, si jeune elle est, si belle, habillée de peau blanche, les yeux verts.
Marguerite Duras (1914-1996). Pour Jean-Pierre Ceton, les yeux verts (1980). Dans : Marguerite Duras, Les yeux verts, Petite bibliothèque des Cahiers du cinéma, impr. 2006, ISBN 2-86642-177-9, page 72.
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Des yeux verts, verts comme le basilic
Verts comme le blé vert
Et le vert citron vert.
Des yeux verts, verts, étincelants comme des couteaux
Plantés dans mon cœur.
Pour moi il n’y a ni soleils, ni étoiles ni lune,
Il n’y a plus que des yeux qui sont ma vie.
Des yeux verts, verts comme le basilic
Verts comme le blé vert
Et le vert citron vert.
Rafael de León (1908-1982). Ojos verdes. Traduction L. & L.
Amália Rodrigues (1920-1999) | Ojos verdes / Rafael de León, paroles ; Manuel Quiroga & Salvador Valverde, musique ; Amália Rodrigues, chant ; orquestra de guitarras de Fernando de Freitas. Enregistrement : Rio de Janeiro (Brésil), 1945.
Amália Rodrigues a vingt-cinq ans lorsque sa voix est enregistrée pour la première fois. C’est au Brésil, alors qu’elle est déjà célèbre depuis plusieurs années dans son propre pays. Les lieux où elle se produit à Lisbonne se remplissent dès qu’elle y est annoncée, c’est pourquoi son imprésario de l’époque lui a interdit d’enregistrer. Il craint que le public se contente des disques. C’est en son absence, loin de lui, qu’Amália se laisse persuader. Il y a parmi les seize titres enregistrés cette remarquable version d’Ojos verdes, une chanson andalouse des années 1930. Science instinctive de l’interprétation, en elle dès le commencement, et témoignage de son « ibérité » revendiquée.
Apoyá en er quisio de la mansebía
miraba ensenderse la noche de mayo;
pasaban los hombres y yo sonreía
hasta que a mi puerta paraste el caballo.
« Serrana, ¿me das candela? »
Y yo te dije: « Gaché,
ven y tómala en mis labios
que yo fuego te daré ».
Dejaste er caballo
y lumbre te di,
y fueron dos verdes luceros de mayo
tus ojos pa mí.Ojos verdes, verdes como la albahaca.
Verdes como el trigo verde
y el verde, verde limón.
Ojos verdes, verdes, con brillo de faca,
que están clavaítos en mi corazón.
Pa mí ya no hay soles, luceros ni luna,
no hay más que unos ojos que mi vía son.
Ojos verdes, verdes como la albahaca.
Verdes como el trigo verde
y el verde, verde limón.Vimos desde el cuarto despertar el día
y sonar el alba en la Torre la Vela.
Dejaste mis brazos cuando amanecía
y en mi boca un gusto de menta y canela.
« Serrana, para un vestío
yo te quiero regalá ».
Yo te dije: « Estás cumplío,
no me tienes que dar na ».
Subiste ar caballo,
te fuiste de mí
y nunca una noche
más bella de mayo
he vuelto a viví.
Rafael de León (1908-1982). Ojos verdes (1937, 1ère publication). Source du texte : Poemas del alma
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