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Cette voix

16 janvier 2014

C’est à cause de cette fatigue… Lorsque je parle je perçois ma propre voix comme à travers la tuyauterie du chauffage. C’est qu’elle parvient à peine à se former, elle n’a rien, pas de matière, elle peine à s’extirper de la gorge et en sort exténuée. Une fois dans l’air elle n’a que la densité d’une plume, incapable de se gouverner elle-même.

Heureusement, je n’ai pas à prendre la parole en public ces jours-ci, ni de cours à donner, on s’impatienterait, on me sommerait de parler plus fort. Autant me mettre en demeure de rajeunir de 20 ans séance tenante. D’accord, mais vous avez la procédure pour ça ? Vous l’avez ? Donnez.

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Amália Rodrigues (1920-1999) | Recado a Lisboa / João Villaret, paroles ; Armando da Câmara Rodrigues, musique ; Amália Rodrigues, chant ; instrumentistes non identifiés. Années 1990.

On croirait l’enregistrement effectué à travers la tuyauterie du chauffage central tant il est mauvais. On ne sait pas d’où ça vient : exécrable copie volée d’un enregistrement studio (inédit) ? Simple captation de travail d’une séance d’essais ou de répétition ? Et puis c’est la voix esquintée des dernières années. Ce qui reste alors à cette Amália de 70 ans passés c’est le style, un art du chant inégalable, et la juste appréciation de la portée de ce qu’elle interprète. Il s’agit en l’occurrence d’une petite chanson dont on pourrait rendre le titre par « Lettre à Lisbonne » : un Lisboète exilé écrit à sa ville, la priant de porter son bon souvenir à tous ses quartiers. Il ne faut aucune emphase (comme on en constate chez d’autres interprètes de ce titre), juste une couleur de saudade.

Et toujours cet instinct phénoménal, affûté par plus de 50 ans de métier. Écouter comment elle s’arrange lorsqu’il y a contradiction entre l’accentuation de la mélodie et celle de la langue, par exemple sur le mot saudade du dernier vers (normalement accentué sur la syllabe -da-).

Lisboa querida mãezinha
Com o teu xaile traçado
Recebe esta carta minha
Que te leva o meu recado
Lisbonne petite mère
Avec ton châle bien noué
Reçois cette lettre
Qui t’apporte ma demande.
Que Deus te ajude, Lisboa
A cumprir esta mensagem
Dum português que está longe
E que anda sempre em viagem
Que Dieu t’assiste, Lisbonne
Pour accomplir ce message
D’un Portugais en exil
Et toujours en voyage.
Vai dizer adeus à Graça
Que é tão bela, que é tão boa
Vai por mim beijar a Estrela
E abraçar a Madragoa
E mesmo que esteja frio
Que os barcos fiquem no rio
Parados sem navegar
Passa por mim no Rossio
E leva-lhe o meu olhar
Va pour moi saluer la Graça
Qui est si belle et si bonne,
Fais mes baisers à l’Estrela
Et embrasse Madragoa.
Et même s’il fait froid,
Même si les bateaux
Restent amarrés au quai,
Passe pour moi au Rossio
Regarde-le pour moi.
Se for noite de São João
Lá pelas ruas da Alfama
Acende o meu coração
No fogo da tua chama
Si c’est la nuit de la Saint-Jean
À travers les rues d’Alfama
Allume mon cœur
À ta flamme.
Depois leva-o p´la cidade
Num vaso de manjerico
Para ele matar a saudade
Desta saudade em que fico
Puis emporte-le dans la ville
Dans un pot de basilic
Pour qu’il apaise la saudade
De cette saudade qui m’habite.
João Villaret (1913-1961). Recado a Lisboa
.
João Villaret (1913-1961). Lettre à Lisbonne, traduit de Recado a Lisboa par L. & L.
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