Hermínia n’habite pas chez Eugène (Hermínia Silva — Maria Sózinha)
Dans la très intéressante série d’émissions qu’il a consacrée au fado cette semaine sur France Culture, Eugène Green a fait le choix de proposer un nombre restreint de fadistes, au risque de donner à croire que la galaxie du fado n’est composée que de quelques étoiles.
« L’âge d’or du fado : 1950-1974 » n’était représenté que par Amália et Maria Teresa de Noronha, du moins pour le fado de Lisbonne. D’accord, elles tiennent le haut du pavé, ce n’est pas moi qui dirais l’inverse. Cependant, Eugène, je trouve qu’il y manquait quelqu’un ; la grande Hermínia Silva (1907-1993), qu’on aurait pu entendre ne serait-ce qu’une fois, soit dans cette émission-là soit dans la précédente.
Hermínia Silva, c’était la quintessence du fado le plus populaire, ce fado qu’on n’entend plus, qui semble avoir disparu et qui pourtant est probablement le plus proche des racines. Il faut dire qu’Hermínia, considérée comme l’un des trois piliers du fado au XXe siècle — avec Amália et Marceneiro — se tenait toujours un peu en dehors, toujours un peu moqueuse, ironique, malicieuse. À Amália qui chantait Vou dar de beber à dor (Je vais donner à boire à la douleur), elle répliquait sur la même musique Vou dar de beber à alegria (Je vais donner à boire à la gaieté), aux paroles hilarantes.
Quant au fado que voici, Maria Sózinha, il parle d’une jeune fille qui sort seule la nuit venue pour ne rentrer qu’au petit matin, excitant la médisance des voisines. Elle sort en effet pour travailler — c’est à dire pour chanter le fado. Réminiscence d’une époque où les fadistes femmes étaient aussi assez souvent des prostituées. La vidéo, malheureusement non datée (années 60 ?) comporte des faiblesses.
Maria Sózinha / Hermínia Silva, chant ; Linhares Barbosa, paroles ; José Inácio, musique.
Mal a noite se avizinha
Quase sempre, á mesma hora
Sai a Maria sózinha
Sózinha de onde moraHá na rua quem a aponte
Porque só de noite sai
Imaginam que anda a monte
Nasce água limpa na fonte
Quem a suja, é quem lá vaiDe janela p’ra janela
De vizinha p’ra vizinha
Ela ouve a baixa piada
Lá vai ela, lá vai ela
Adeus Maria Sózinha
Só voltas de madrugada
Pobre dela, é cantadeira
Canta o fado, é maneirinha
Mas muito séria e honrada
Embora queira ou não queira
Vale mais andar sózinha
Do que mal acompanhadaQuem tanto mal insinua
Não tem nenhuma razão
Á noite é que nasce a lua
E dá luz á escuridãoDeu-lhe a sorte aquela herança
E o povo quando a assoalha
De a difamar não se cansa
Não há como a vizinhança
Para pôr rabos de palha.
João Linhares Barbosa (1893-1965).
L. & L.
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