Car la clef était fée
Ouvrez tout, allez partout ; mais, pour ce petit cabinet, je vous défends d’y entrer, et je vous le défends de telle sorte que s’il vous arrive de l’ouvrir, il n’y a rien que vous ne deviez attendre de ma colère.
Étant arrivée à la porte du cabinet, elle s’y arrêta quelque temps, songeant à la défense que son Mari lui avait faite, et considérant qu’il pourrait lui arriver malheur d’avoir été désobéissante ; mais la tentation était si forte qu’elle ne put la surmonter : elle prit donc la petite clef, et ouvrit en tremblant la porte du cabinet.
Elle pensa mourir de peur, et la clef du cabinet, qu’elle venait de retirer de la serrure, lui tomba de la main. Après avoir un peu repris ses sens, elle ramassa la clef, referma la porte, et monta à sa chambre pour se remettre un peu ; mais elle n’en pouvait venir à bout, tant elle était émue. Ayant remarqué que la clef du cabinet était tachée de sang, elle l’essuya deux ou trois fois ; mais le sang ne s’en allait point : elle eut beau la laver, et même la frotter avec du sablon et avec du grès, il y demeura toujours du sang, car la clef était Fée, et il n’y avait pas moyen de la nettoyer tout à fait : quand on ôtait le sang d’un côté, il revenait de l’autre.
Charles Perrault (1628-1703). La Barbe bleue (1697).
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J’aime ces 2 photos et les décors abîmés aux peintures écaillées, ne pas repeindre…
Oui, la lumière était belle ce jour-là