Le fado des étrangers. 4, La Grèce (1)
Amália a aussi chanté en Grèce, où n’a-t-elle pas chanté, et elle en parle un peu dans les entretiens avec Vítor Pavão dos Santos publiés en 1987 :
Acho os gregos muito parecidos com os portugueses, mas a Grécia desiludiu-me um bocadinho. Acho bonito, mas ouvia tanto falar de Atenas… Não era bem aquilo o que esperava! Não o público que, com o público, nunca tive problemas em parte nenhuma.
Je trouve que les Grecs ressemblent beaucoup aux Portugais, mais la Grèce m’a un peu déçue. C’est beau, mais j’entendais tellement parler d’Athènes… Et ce n’était pas vraiment ce que j’espérais ! Pas le public, parce que je n’ai jamais eu de problèmes avec le public où que ce soit.
Santos, Vítor Pavão dos. Amália : uma biografia. Contexto, 1987. P. 179.
Les Grecs ressemblent aux Portugais. Alors, ils sont en mesure de chanter le fado eux aussi. Le fado, ou en tout cas quelque chose qui en sera, même sous un autre nom, un nom grec.
Ce billet commence non par du chant, mais par des voix, deux voix parlées qui sont comme du chant. Celle de Marguerite Duras — j’en ai déjà parlé ici ou là — et celle de Maria Amalia, dite Melina, Mercouri (Μελίνα Μερκούρη).
Extrait de : Dim Dam Dom, 4 février 1967. Voir ce média sur www.ina.fr
Le français de Melina Mercouri est coloré de la sonorité de sa langue natale, pleine de ces consonnes dont aucune ne semble avoir la même valeur que les nôtres, elles se forment autrement que les nôtres, au moyen d’autres parties de la bouche, de la gorge, des lèvres, ou par d’autres mouvements de ces parties, d’autres rapprochements. On l’entend.
On entend aussi ce qui se dit, comment Melina, vis à vis des maisons, est à l’opposé exact de Marguerite (voir, dans La vie matérielle, le chapitre intitulé La maison), on est enchanté, par exemple par Melina disant « je ne m’adore pas tellement », par les gros plans sur les visages, les mains.
Qu’est-ce qu’elle dit encore, Melina ? Elle dit ça, de nous les Français, de notre attitude envers les étrangers :
Je crois que vous êtes un peuple… que vos lois sont très hospitalières mais que les Français ne s’ouvrent pas tellement, que, enfin ils ne se font pas connaître par les étrangers…
À présent que nos lois ont changé, il n’y a plus qu’à cesser de tenir compte de nous. Circulez.
L. & L.
Duras, Marguerite. La vie matérielle. Paris : P.O.L., 1987. ISBN 2-86744-086-6
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