Povo que lavas no rio
Aujourd’hui Ana de Carvalho consacre toute son émission Le coeur sur la voix (le fado 4) à Amália Rodrigues.
En ouverture, Amália qui s’exprime, qui parle, peu importe ce qu’elle dit, le seul fait d’entendre la voix de cette personne-là, et voilà que la gorge (la mienne) se contracte, les larmes ne sont pas loin. (Ca s’aggrave avec l’âge, cette propension à pleurer.)
Elle dit qu’elle est ce qu’elle est depuis le début, que les choses ne l’ont pas changée, ni la vie, ni rien, qu’elle était née pour être ce qu’elle était, elle n’est pas devenue Amália Rodrigues, elle l’a toujours été.
Elle n’est pas ce qu’on voudrait qu’elle soit, elle chante le fado, le sien, pas celui dont les spécialistes disent « voilà ce qu’est le fado ». Si c’est ça le fado, alors elle n’est pas fadiste, elle ne veut pas qu’on la dise fadiste.
Quant à moi, au fond je ne sais pas si ce que j’appelle fado, cette chose qui me plaît tant, est vraiment du fado. Je ne suis pas portugais, je ne peux pas vraiment savoir ce que c’est, le fado. Je crois que je m’en fais une idée très bretonne. Ce sentiment bien ancré que le féminin est plus fort que le masculin. Plus lucide en tout cas. J’aime Amália, j’aime le Zambujo : des deux il se dit qu’ils ne chantent pas le fado. J’aime Hermínia Silva aussi, et Celeste Rodrigues quand elle chante Meu corpo, et José Manuel Osório et d’autres : est-ce que ce sont des fadistes tous ceux-là ? Il faudrait consulter les spécialistes.
Povo que lavas no rio, c’est fado ?
Ce morceau-là, on peut dire que c’est une composition d’Amália bien qu’elle n’en ait écrit ni les paroles, ni la musique : un poème de Pedro Homem de Melo auquel elle adapte la musique du Fado Vitória de Joaquim Campos, et voilà un chef d’œuvre. Le premier vers est rempli de douceur et de tendresse. Le premier mot du premier vers — povo — veut dire peuple, et dans ce mot aucune aspérité contrairement aux équivalents dans les autres langues romanes qui tous viennent buter sur un p ou un b au début de la 2e syllabe.
Il faut avoir vu et entendu Amália chanter ce morceau sur scène. Pour moi, la première fois c’était à Paris, à l’Olympia, en 1985. Elle entonne Povo … avec une tendresse infinie, et dans le silence qui suit, la moitié du théâtre a la chair de poule, l’autre est au bord de l’évanouissement.
Personne ne se demande si c’est du fado.
L. et L.
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