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Mísia • Litania (1998)

18 juillet 2025

Mísia – Susana Aguiar au quotidien – est morte le 27 juillet 2024, il y a presque un an. Quelle sera sa place dans l’histoire du fado ? Au Portugal elle était considérée comme une artiste élitiste, sophistiquée, presque comme une étrangère. Elle en a souffert. Son rôle a pourtant été essentiel dans le renouveau du fado, tombé en disgrâce à la suite de la Révolution des œillets.

Parce qu’elle croyait au fado et à son lien profond avec la culture lisboète et, plus largement, avec celle du Portugal, elle l’a chanté avec opiniâtreté, construisant, au fil des années, une discographie qui est l’une des plus cohérentes du genre, au point de pouvoir être assimilée à une œuvre. Avec Canto (2003), hommage au grand compositeur et guitariste Carlos Paredes, Garras dos sentidos (1991) en est l’un des sommets.

Garras dos sentidos est composé exclusivement d’une collection de fados traditionnels (« castiços ») chantés sur des poèmes choisis par Mísia, ou sollicités par elle auprès d’auteurs contemporains. Litania (« Litanie ») résulte de l’association du Fado José António de quadras, du joueur de guitare portugaise José António Sabrosa, par ailleurs époux de la fadiste Maria Teresa de Noronha, avec un poème de Mário Cláudio (né en 1941).

Mísia (1955-2024)Litania. Poème de Mário Cláudio ; José António Sabrosa, musique (Fado José António Sabrosa de quadras) ; Ricardo Dias, arrangement.
Mísia, chant ; Custódio Castelo, guitare portugaise ; António Pinto & Carlos Manuel Proença, guitare ; Marino Freitas, basse acoustique ; Manuel Rocha, violon ; Ricardo Dias, accordéon.
Enregistrement ; Lisbonne, studios Xangrilá, octobre 1997.
Extrait de l’album Garras dos sentidos / Mísia. France, Erato Disques, ℗ 1998.

Seria a noite transida,
Seria um grito na rua,
Seria a porta da vida
Fechada ao rasto da lua.

Ce serait cette nuit transie,
Ce serait un cri dans la rue,
Ce serait la porte de la vie
Qui se ferme au sillage de la Lune.
Seria a chaga do lado,
Seria o espelho do rio,
Seria um xaile rasgado
Que nos guardasse do frio.

Ce serait cette plaie au côté,
Ce serait le miroir du fleuve,
Ce serait un châle lacéré
Qui nous protégerait du froid.
Seria a voz que resume,
Seria a sombra da face,
Seria um cravo de lume
Que no vinho se afogasse.

Ce serait la voix qui résume,
Ce serait l’ombre du visage,
Ce serait un œillet de feu
Qui se noierait dans le vin.
Seria uma vela acesa,
Seria a estrela polar,
Seria um lenço ou uma reza
Que nos viesse matar.

Ce serait la flamme d’une chandelle,
Ce serait l’étoile polaire,
Ce serait un mouchoir, une prière,
Qui viendrait nous tuer.

Mário Cláudio (né en 1941). Litania (1997 ?).
Mário Cláudio (né en 1941). Litanie, traduit de : Litania (1997 ?), par L. & L.

4 commentaires leave one →
  1. Avatar de hologramthoughtfully8f2cf5d4aa
    hologramthoughtfully8f2cf5d4aa permalink
    21 juillet 2025 09:40

    Merci pour cette évocation de Misia. Reconnaissons aussi que le milieu lisboète du fado, avec tous ces « professionnels du fado », est assez provincial. Cristina Branco (qui n’est pas une fadiste) en a toujours souffert , d’où ces chois hasardeux une fois séparée de Custodio Castelo formidable artiste de la guitare portugaise. (et son abus des arrangements de piano envahissant)

    • Avatar de L. & L.
      21 juillet 2025 19:41

      J’ai beaucoup aimé Cristina Branco à ses débuts : elle apportait alors une grande fraîcheur dans le petit monde du fado, qui somnolait encore dans sa torpeur — en dehors de Mísia, justement.
      Je suis allé la voir en février 2000, ici à Toulouse, alors qu’elle s’apprêtait à publier son 2e album. Et puis je m’en suis un peu désintéressé, à partir, comme vous le dites, de la rupture de son partenariat avec Custódio Castelo. Il y avait moins d’émotion, moins d’invention aussi…
      J’y reviens de temps en temps, car elle est indéniablement une bonne chanteuse !

  2. Avatar de hologramthoughtfully8f2cf5d4aa
    hologramthoughtfully8f2cf5d4aa permalink
    21 juillet 2025 09:48

    Pardon : dans le commentaire j’ai mal orthographié (choix).
    Sur Cristina Branco que j’apprécie au point de me rendre à ses concerts à Lisbonne systématiquement. Une réécoute de ses albums me heurte par la présence d’un piano envahissant : on imagine ce que ce serait avec de la mélodie française. Sur scène c’est moins « marqué ».
    Merci encore pour vos publications de haut vol.

    Michel Duraffourg

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