Lisboa antiga • Amália, Hermínia, Dario
Cette chanson-là… non, ce n’est pas ma préférée. Pourtant Lisboa antiga, a été l’un des plus grands succès internationaux d’Amália Rodrigues, comme en atteste sa présence dans la plupart de ses innombrables captations de concert réalisées à l’étranger et parues en disque. Il ne figure en revanche dans aucun de ses enregistrements publics réalisés au Portugal. Elle est ici à l’Olympia, à Paris, en 1956 (elle répète le premier couplet au lieu de chanter le second, comme elle l’a toujours fait) :
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Amália Rodrigues (1920-1999) • Lisboa antiga. José Galhardo & Amadeu do Vale, paroles ; Raúl Portela, musique.
Amália Rodrigues, chant ; Domingos Camarinha, guitare portugaise ; Santos Moreira, guitare.
Enregistrement public : Olympia (Paris), avril ou mai 1956.
Première publication dans l’album Amalia à l’Olympia / Amália Rodrigues. France, Pathé Marconi, ℗ 1957.
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Lisboa, velha cidade,
Cheia de encanto e beleza!
Sempre formosa, a sorrir,
E no vestir sempre airosa.
O branco véu da saudade
Cobre o teu rosto, linda princesa!
Lisbonne, ville ancienne
Pleine de charme et de beauté,
Toujours gracieuse et souriante,
Toujours bien mise,
Le voile blanc de la saudade
Couvre ton visage, jolie princesse !
Olhai, senhores,
Esta Lisboa d’outras eras,
Dos cinco réis*, das esperas**
E das toiradas reais!
Das festas, das seculares procissões,
Dos populares pregões matinais
Que já não voltam mais!
Regardez Messieurs dames
Cette Lisbonne d’autrefois,
Celle des pièces de 5 réis*
Et des corridas royales**,
Des fêtes, des processions séculaires,
Des cris des vendeurs ambulants
Qu’on n’entendra jamais plus !
Lisboa d’oiro e de prata,
Outra mais linda não vejo,
Eternamente a cantar
E a dançar, de contente.
O teu semblante se retrata
No azul cristalino do Tejo!
Lisbonne d’or et d’argent,
Tu es la plus belle de toutes,
Toujours chantant,
Toujours dansant, toujours contente.
Ton visage se reflète
Dans le bleu cristallin du Tage !
… … José Galhardo (1905-1967) & Amadeu do Vale (1898-1963). Lisboa antiga (193?).
* Hermínia chante « cruzados » au lieu de « cinco réis ». Dans les deux cas il s’agit de pièces de monnaie (le « cruzado », subdivisé en « réaux »), disparues à la fin du XIXe siècle.
** La veille d’une course de taureaux avait lieu « l’attente » (« a espera », pluriel « esperas ») qui était elle-même occasion de fête.
José Galhardo (1905-1967) & Amadeu do Vale (1898-1963). Lisbonne ancienne, traduit de Lisboa antiga (193?), par L. & L.
* Hermínia chante « cruzados » au lieu de « cinco réis ». Dans les deux cas il s’agit de pièces de monnaie (le « cruzado », subdivisé en « réaux »), disparues à la fin du XIXe siècle.
** La veille d’une course de taureaux avait lieu « l’attente » (« a espera », pluriel « esperas ») qui était elle-même occasion de fête. Le texte original en fait mention (je ne l’ai pas inclus dans la traduction française).
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L’histoire de cette chanson, dont Amália n’est nullement la créatrice, est un peu tortueuse. Elle est apparue en 1932, sous le titre O passado de Lisboa (« Le passé de Lisbonne »), dans la pièce de théâtre musicale O Pirilau, musique de Raúl Portela et Raúl Ferrão, livret de Sicranos & Beltranos (en portugais, sicrano et beltrano sont deux substantifs synonymes, signifiant l’un et l’autre « quidam » ; on ignore qui se dissimule sous ce pseudonyme). Ses paroles ont été réécrites ensuite par José Galhardo & Amadeu do Vale et la chanson recréée par la pétillante Hermínia Silva sous le titre Lisboa antiga. Hermínia l’a enregistrée en 1936, puis en 1958. Mais la voici à la télévision, en 1961.
« Je vais chanter encore une fois une de mes premières créations – annonce-t-elle au début de la séquence –, Lisboa antiga. J’ai toujours beaucoup de plaisir à chanter cette chanson, vu qu’elle est internationale maintenant, enfin ça fait toujours plaisir que les fados soient entendus jusqu’à l’étranger, et chantés jusqu’à l’étranger. »
Nul doute que cette entrée en matière soit teintée d’un peu d’ironie, car celle qui a rendu ce fado « international », à savoir Amália Rodrigues, qu’elle ne nomme pas, était déjà à l’époque raillée au Portugal pour son statut de grande vedette « internationale » (elle aussi). L’interprétation d’Hermínia est, quant à elle, on ne peut plus lisboète.
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Hermínia Silva (1907-1993) • Lisboa antiga. José Galhardo & Amadeu do Vale, paroles ; Raúl Portela, musique.
Hermínia Silva, chant ; Victor Ramos, guitare portugaise ; José Inácio, guitare.
Vidéo : émission 15 minutos com Hermínia Silva (extrait). Production : RTP [Rádio e Televisão de Portugal], 1961.
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Lisboa antiga a donné lieu à nombre d’adaptations en diverses langues : anglais, italien, finnois, … La première était la version espagnole (Lisboa antigua), puis la française (Adieu Lisbonne) ; l’une et l’autre ont été enregistrées par Gloria Lasso. Voici plutôt cette version française, avec un couplet chanté en espagnol, publiée par le délicieux Dario Moreno en 1956 (elle est donc contemporaine de l’enregistrement d’Amália à l’Olympia, ci-dessus) :
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Dario Moreno (1921-1968) • Adieu Lisbonne. Fernand Bonifay, paroles françaises ; Raúl Portela, musique. Adaptation française de Lisboa antiga, paroles originales portugaises de José Galhardo & Amadeu do Vale. Comporte un couplet chanté en espagnol, paroles de Manuel Salina.
Dario Moreno, chant ; avec Jo Moutet et son orchestre.
Première publication dans le disque 45 t Quand elle danse ; Adieu Lisbonne / Dario Moreno. France, Philips, ℗ 1956.
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Mais voici encore Amália, cette fois au Japon en 1970, avec 2 guitares portugaises, une guitare classique et une basse acoustique.
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Amália Rodrigues (1920-1999) • Lisboa antiga. José Galhardo & Amadeu do Vale, paroles ; Raúl Portela, musique.
Amália Rodrigues, chant ; José Fontes Rocha & Carlos Gonçalves, guitare portugaise ; Pedro Leal, guitare ; Joel Pina, basse acoustique.
Enregistrement public : Tokyo (Japon), Sankei Hall, 2 septembre 1970.
Extrait de l’album Amalia Rodrigues in Japan. Japon, ℗ 1970.
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