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Fado José António de sextilhas. 4. Amália Rodrigues • Disse-te adeus e morri

25 octobre 2024

Fait suite à :

1968 : Alain Oulman, le compositeur prodige qui travaille pour Amália Rodrigues depuis le début de la décennie, vient de s’installer définitivement à Paris après deux années passées à Londres, ayant été expulsé du Portugal en 1966 pour activités subversives.

Entre l’album Fado português (1965) qui compte huit de ses compositions et le fabuleux Com que voz (intégralement composé par lui, enregistré pour l’essentiel en janvier 1969, publié en 1970), on ne compte que quatre de ses musiques dans une production discographique amálienne par ailleurs abondante. Marches, traditionnels portugais, chansons françaises, quelques chansons italiennes déjà… et plusieurs fados classiques, c’est à dire des musiques de fados « castiços » adaptées à des poèmes choisis par Amália, ou écrits pour elle. Ce sont parfois des reprises de titres enregistrés plus tôt dans sa carrière, parfois des créations. Ainsi du superbe Disse-te adeus e morri (« Je t’ai dit adieu et je suis morte), un poème douloureux de Vasco de Lima Couto (1923-1980), combiné avec le Fado José António de sextilhas d’une manière si organique qu’on croirait que poème et musique ont été faits l’un pour l’autre. Et cette voix ! Flamboyante et limpide, d’une splendeur flagrante. Elle est accompagnée par Raul Nery à la première guitare portugaise, un musicien bien dans la tradition fadiste.

Amália Rodrigues (1920-1999)Disse-te adeus e morri. Vasco de Lima Couto, paroles ; José António Sabrosa, musique (Fado José António de sextilhas).
Amália Rodrigues, chant ; Raul Nery & José Fontes Rocha, guitare portugaise ; Júlio Gomes, guitare classique ; Joel Pina, basse acoustique.
Enregistrement : Paço de Arcos (Portugal), studios Valentim de Carvalho, mai 1968.
Première publication : disque 45 t Vou dar de beber à dor ; Fadinho serrano ; Meia-noite e uma guitarra ; Disse-te adeus e morri / Amália Rodrigues. Portugal, Valentim de Carvalho, ℗ 1968.

Disse-te adeus e morri
E o cais vazio de ti
Aceitou novas marés.
Gritos de búzios perdidos
Roubaram dos meus sentidos
A gaivota que tu és.

Je t’ai dit adieu et je suis morte
Et le quai, vide de toi,
A reçu d’autres marées.
Des appels de conques perdues
Ont arraché à mon cœur
Cette mouette que tu es.
Gaivota de asas paradas
Que não sentes madrugadas
E acorda à noite a chorar
Gaivota que faz o ninho
Porque perdeu o caminho
Onde aprendeu a sonhar.

Mouette aux ailes repliées
Qui ne sent plus les aubes
Et s’éveille en larmes la nuit ;
Mouette qui fait son nid,
Ayant perdu le chemin
Où elle avait appris à rêver.
Preso no ventre do mar
O meu triste respirar
Sofre a invenção das horas
Pois na ausência que deixaste
Meu amor, como ficaste
Meu amor, como demoras.

Pris dans le ventre de la mer
Mon souffle triste
Subit l’invention des heures.
Dans l’absence que tu as laissée
Mon amour, comme tu es présent,
Mon amour, comme tu demeures !

Vasco de Lima Couto (1923-1980). Disse-te adeus e morri (1968).
Vasco de Lima Couto (1923-1980). Je t’ai dit adieu et je suis morte, traduit de : Disse-te adeus e morri (1968), par L. & L.

Vasco de Lima Couto, acteur de théâtre, amateur de fado, était aussi l’un des grands paroliers des années 1960 et 1970. Disse-te adeus e morri, enregistré par Amália en mai 1968 (à Lisbonne la révolution devrait encore attendre) est paru sur un disque 45 tours assez hétéroclite, en compagnie de trois morceaux rapides, dont le fameux Vou dar de beber à dor (« La maison sur le port » en v.f.), l’un des plus grands succès de vente d’Amália Rodrigues, toutes époques confondues. Vítor Pavão dos Santos, homme de théâtre lui aussi et biographe d’Amália, raconte cette anecdote :

J’ai beaucoup aimé [Disse-te adeus e morri] et lorsque un après-midi j’ai rencontré Vasco au café « A Brasileira » dans le Chiado, je l’ai félicité mais j’ai ajouté, un peu en plaisantant : « Tu as eu beaucoup de chance d’être publié sur un disque qui a fait un tel tabac », ce qui était vrai. Mais il m’a simplement répondu, d’un air sérieux tout à coup : « Mais ça coûte aussi beaucoup de dire adieu à quelqu’un ». Ce n’est que plus tard que j’ai su que l’histoire évoquée par Vasco de Lima Couto dans ce poème était une affaire intime très triste, très émouvante.
Vítor Pavão dos Santos. O fado da tua voz : Amália e os poetas, Bertrand editora, 2014, ISBN 978-972-25-2932-7, p. 322. Non traduit. Traduction L. & L.

Quoi qu’il en soit, Disse-te adeus e morri a inspiré d’autres fadistes qui l’ont repris et inscrit à leur propre répertoire. Voici une de ces reprises :

Cristina Branco (née en 1972)Disse-te adeus e morri. Vasco de Lima Couto, paroles ; José António Sabrosa, musique (Fado José António de sextilhas).
Cristina Branco, chant ; Custódio Castelo, guitare portugaise ; Alexandre Silva, guitare ; Fernando Maia, basse acoustique.
Enregistrement : Foros de Salvaterra (Portugal), studios Pé de vento, janvier 2001.
Extrait de l’album Corpo iluminado / Cristina Branco. France, Universal music France, ℗ 2001.

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