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Amália Rodrigues • Obsessão

6 octobre 2024

Aujourd’hui 6 octobre marque le vingt-cinquième anniversaire de la mort d’Amália Rodrigues.

Obsessão (« Obsession ») est la dernière plage du dernier album enregistré en studio par Amália. Publié en novembre 1990 mais enregistré en plusieurs sessions, le recueil est nommé d’après ce morceau-là, une chanson triste et douloureuse sur une belle mélodie de Carlos Gonçalves, qui évoque « l’obsession » d’un « chant qui s’est déjà perdu », d’une voix qui n’est plus celle qui chante encore au-dedans de soi. L’obsession de la perte du chant, qui pour Amália équivalait à la perte d’elle-même.

(La couverture de cet album est, je trouve, l’une des plus belles de toute sa discographie.)

Amália Rodrigues (1920-1999)Obsessão. Francisco Bugalho, paroles ; Carlos Gonçalves, musique.
Amália Rodrigues, chant ; Carlos Gonçalves & José Fontes Rocha, guitare portugaise ; Jorge Fernando, guitare ; Joel Pina, basse acoustique.
Enregistrement : Paço d’Arcos (Portugal), studios Valentim de Carvalho.
Extrait de l’album Obsessão / Amália Rodrigues. Portugal, Valentim de Carvalho, ℗ 1990.

* Dentro de mim canta intenso
Um cantar que não é meu.
Cantar que ficou suspenso
Cantar que já se perdeu.

* Au fond de moi chante, intense,
Un chant qui n’est pas le mien.
Un chant demeuré suspendu,
Un chant qui déjà s’est perdu.
Onde teria eu ouvido
Essa voz cantar assim?
— Já lhe perdi o sentido,
Cantar que passa, perdido,
Que não é meu, estando em mim.

Où aurais-je entendu
Cette voix chanter ainsi ?
— J’en ai déjà perdu le sens,
Un chant qui s’est égaré,
Qui n’est pas le mien tout en étant en moi.
** Depois, sonâmbulo, sonho
Um sonho lento, tristonho,
De núvens a esfiapar.
E, novamente no sonho,
*** Volta de novo o cantar…

** Puis, somnambule, je rêve
Un rêve morose et lent
De nuages qui se défont.
Et voici que dans ce rêve
*** Revient encore le chant…
Sobre um lago onde, em sossego,
As águas olham o céu,
Roça a asa de um morcego…
E ao longe o cantar morreu.

L’aile d’une chauve-souris
Effleure un lac immobile
Dont les eaux contemplent le ciel…
Et au loin le chant s’est éteint.
Onde teria eu ouvido
Essa voz cantar assim?
— Já lhe perdi o sentido,
E esse cenário partido
Volta a voltar repetido,
E o cantar recanta em mim…

Où aurais-je entendu
Cette voix chanter ainsi ?
— J’en ai déjà perdu le sens,
Et ce décor disloqué
Revient encore et toujours
Et le chant renaît en moi.

Francisco José Lahmeyer Bugalho (1905-1949). Obsessão (entre 1929 et 1931). Dans Margens (1931).
* Chanté : « Dentro de mim um canto intenso »
** Chanté : « Sonhando, sonhando sonho »
*** Chanté : « Passa de novo o cantar »
Francisco José Lahmeyer Bugalho (1905-1949). Obsession, traduit de : Obsessão (entre 1929 et 1931), extrait de Margens (1931), par L. & L.
* Chanté : « En moi un chant intense »
** Chanté : « Tout en rêvant je rêve »
*** Chanté : « Passe à nouveau le chant »

Loin d’avoir été écrit pour Amália, le poème est extrait du recueil Margens (« Marges », ou « Rivages », 1931) de Francisco Bugalho (1905-1949), un des poètes du groupe littéraire Presença (« Présence ») et de sa revue homonyme, publiée à Coimbra entre 1927 et 1940. La « voix » et le « chant » dont il est question dans Obsessão (le poème original) ne s’entendent bien sûr pas dans un sens concret ; ils changent de portée dans l’interprétation d’Amália — qui était une lectrice de poésie avisée.

En dehors de quelques titres, tels que le Rondel do Alentejo ou l’adorable Flor do verde pinho, l’album Obsessão baigne, comme ses prédécesseurs Gostava de ser quem era (1980) et Lágrima (1983), dans la mélancolie. Il s’ouvre sur Que fazes aí Lisboa? (« Que fais-tu là Lisbonne ? »), qui donne le ton à l’ouvrage entier en interpellant Lisbonne, la « vieille Lisbonne, / Mère pauvre au bord du fleuve ».

Amália Rodrigues (1920-1999)Que fazes aí, Lisboa?. Mário Gonçalves, paroles ; Arlindo de Carvalho, musique.
Amália Rodrigues, chant ; Carlos Gonçalves & José Fontes Rocha, guitare portugaise ; Jorge Fernando, guitare ; Joel Pina, basse acoustique.
Enregistrement : Paço d’Arcos (Portugal), studios Valentim de Carvalho.
Extrait de l’album Obsessão / Amália Rodrigues. Portugal, Valentim de Carvalho, ℗ 1990.
Vidéo : Edições Valentim de Carvalho, production. Sans date.


Que fazes aí, Lisboa,
De olhos fincados no rio?
Os olhos não são amarras
Para prender um navio!
Que fazes aí, Lisboa,
De olhos fincados no rio?

Que fais-tu là, Lisbonne,
Les yeux rivés au fleuve ?
Les yeux ne sont pas des amarres
Pour retenir les navires !
Que fais-tu là, Lisbonne,
Les yeux rivés au fleuve ?

O barco que ontem partiu
Partiu e não volta mais!
Chora lágrimas de pedra
Em cada esquina do cais.
O barco que ontem partiu,
Partiu e não volta mais!

Le bateau qui est parti hier
S’en est allé pour toujours.
Pleure des larmes de pierre
Sur chaque recoin du quai !
Le bateau qui est parti hier
S’en est allé pour toujours.

Lisboa, velha Lisboa,
Mãe pobre à beira do rio!
*Seja o xaile dos meus ombros
*Agasalho do teu frio!
Lisboa, velha Lisboa,
Mãe pobre à beira do rio!

Lisbonne, vieille Lisbonne,
Mère pauvre au bord du fleuve,
*Que le châle de mes épaules
*Te protège de ton froid !
Lisbonne, vieille Lisbonne,
Mère pauvre au bord du fleuve !

Mário Gonçalves. Que fazes aí, Lisboa?
*Dans la version originale chantée par Arlindo de Carvalho : « Que este xaile dos meus versos / Te agasalhe do teu frio! ».
Mário Gonçalves. Que fais-tu là, Lisbonne ? traduit de : Que fazes aí, Lisboa? par L. & L.
* Dans la version originale chantée par Arlindo de Carvalho : « Voici le châle de mon poème. / Qu’il te protège de ton froid ! »
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