Amália Rodrigues • Partindo-se
Les musiques composées par Alain Oulman sur la poésie médiévale et celle de la Renaissance sont parmi ses plus belles, je trouve. Ainsi en va-t-il de celle destinée à la « cantiga » (« chanson ») Partindo-se de João Roiz (ou Rodrigues) de Castelo Branco, un gentilhomme de la maison royale, né vers 1450, mort à Castelo Branco, dans le centre-est du pays, après 1515.
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Amália Rodrigues (1920-1999) • Partindo-se. Poème de João Roiz de Castelo Branco ; Alain Oulman, musique.
José Fontes Rocha, guitare portugaise ; Pedro Leal, guitare.
Enregistrement : Portugal, Paço de Arcos (Lisbonne), studios Valentim de Carvalho, 22 novembre 1968.
Première publication dans le coffret de 8 CD Amália 50 anos. CD 2, Os poetas. Portugal, EMI, ℗ 1989.
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Senhora*, partem tão tristes
meus olhos por vós, meu bem,
que nunca tão tristes vistes
outros nenhuns por ninguém.
Madame*, ils sont si tristes,
Mes yeux, mon amie, qui ne vous verront plus,
Que jamais nul ne vit
D’yeux si tristes pour personne.
Tão tristes, tão saüdosos,
tão doentes da partida,
tão cansados, tão chorosos,
da morte mais desejosos
cem mil vezes que da vida,
partem tão tristes os tristes,
tão fora de esperar bem,
que nunca tão tristes vistes
outros nenhuns por ninguém.
Si tristes, si affligés,
Si navrés de partir,
Si las, si pleins de larmes,
Aspirant plus à la mort
Cent mil fois qu’à la vie,
Ils partent si tristes ces yeux tristes,
Si loin d’espérer bonne fortune,
Que jamais nul ne vit
D’yeux si tristes pour personne.
… … João Roiz de Castel-Branco (14??-après 1515). Cantiga, Partindo-se (15e siècle).
* Chanté : « Senhor » (« Seigneur »)João Roiz de Castel-Branco (14??-après 1515). Chanson « Les adieux », traduit de : Cantiga, Partindo-se (15e siècle) par L. & L.
* Chanté : « Senhor » (« Seigneur »)
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Partindo-se, qui pourrait se traduire par « Les adieux », « La séparation », est extrait du Cancioneiro geral (1516), le premier recueil de poésie portugaise imprimé au Portugal, compilé par le chroniqueur, poète et musicien Garcia de Resende (1470?-1536). On y recense près de mille poèmes, de 286 poètes différents.
C’est un poème d’amour déchirant, avec son insistance sur le mot tristes présent à six reprises — à raison parfois de deux dans le même vers — et avec, dans sa seconde partie, son rythme passionné scandé par l’adverbe tão (« si », dans le sens de « tellement »). La musique d’Alain Oulman l’exalte encore ; l’interprétation splendide d’Amália le sublime. Cet enregistrement, réalisé en novembre 1968 et peut-être destiné à l’album Com que voz dont il possède tous les traits — notamment la guitare portugaise de José Fontes Rocha qui lui confère un caractère de ballade de Coimbra, accompagnée par la seule guitare de Pedro Leal — a été laissé de côté pour n’être finalement publié qu’en 1989 dans une compilation de 8 CD réalisée à l’occasion des cinquante ans de carrière d’Amália.
Jusque là, la chanson Partindo-se était connue dans une version enregistrée en 1966 avec le Conjunto de guitarras (« l’Ensemble de guitares ») de Raúl Nery et qui, bien sûr, sonnait de ce fait plus lisboète, plus « fadiste ». Elle était parue en 1968, avec une autre chanson médiévale mise en musique par Alain Oulman, Nós, as meninhas, du troubadour Pero Viviães, sur un disque 45 tours intitulé Amália canta poesia medieval portuguesa (« Amália chante la poésie médiévale portugaise »).
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Amália Rodrigues (1920-1999) • Partindo-se. Poème de João Roiz de Castelo Branco ; Alain Oulman, musique.
Amália Rodrigues, chant ; Conjunto de guitarras de Raul Nery (Raul Nery & José Fontes Rocha, guitare portugaise ; Castro Mota, guitare ; Joel Pina, basse acoustique).
Enregistrement : Portugal, Paço de Arcos (Lisbonne), studios Valentim de Carvalho, 1966.
Première publication : disque 45 t Amália canta poesia medieval portuguesa. Portugal, Columbia, ℗ 1968.
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