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Fado Proença. 4. Carminho, Matilde Cid (et Mísia)

9 avril 2024

Fait suite à :

L’un des plus récents emplois du Fado Proença figure dans le second album de Matilde Cid, paru fin 2023 sous le titre très pessoien de Desassosego (« Intranquillité » ou « Inquiétude »). La chanteuse est l’autrice (moyennement inspirée, disons) des paroles de ce fado, Inesperado (« Inattendu »), qu’elle chante comme toujours avec un léger vibrato qui affecte sa voix par ailleurs assez chaude.

Matilde Cid (née en 1983)Inesperado. Matilde Cid, paroles ; Júlio Proença, musique (Fado Proença).
Matilde Cid, chant ; Bernardo Couto & Luís Guerreiro, guitare portugaise ; Bernardo Saldanha, guitare ; Francisco Gaspar, basse acoustique.
Extrait de l’album Desassosego / Matilde Cid. Portugal, Espelho de cultura, ℗ 2023.

Foi sem querer que eu te quis
É sem querer que me sorris
E me falas ao ouvido
Às vezes sem perguntar
O amor vem acordar
Um coração adormecido.

Je t’ai aimé sans le vouloir,
Sans le vouloir tu me souris
Et tu me parles à l’oreille.
Parfois sans qu’on le cherche,
L’amour vient réveiller
Un cœur endormi.
Não consigo ver quem sou
Nem sei bem p’ra onde vou
Meu amor ainda é cedo
Cantei, chorei, fugi
Foi assim que descobri
Não te quero só por medo.

Je ne sais pas bien qui je suis
Je ne sais pas bien où je vais.
Mon amour, il est encore tôt.
J’ai chanté, j’ai pleuré, j’ai fui.
Voilà comment j’ai découvert
Que mon amour n’est pas engendré par la peur.
Penso em ti a toda a hora
Penso em ti p’la noite fora
Não me acordem nunca mais
No meu sonho há liberdade
Não há ódio nem maldade
Quero ir p’ra onde vais.

Je pense à toi tout le jour,
Je pense à toi toute la nuit.
Ne me réveillez plus jamais.
Dans mon rêve, il y a la liberté,
Il n’y a ni haine ni malice,
Je veux aller là où tu vas.

Matilde Cid (née en 1983). Inesperado (2023). Matilde Cid (née en 1983). Inattendu, traduit de : Inesperado (2023) par L. & L.

J’ai beau me méfier de Carminho qui a tendance à surcharger son expression, parfois jusqu’à la grimace, je dois reconnaître que ce qu’elle a fait du Fado Proença dans son deuxième album (Alma, 2012) est d’excellente tenue. Elle est ici sa propre parolière ; le fado se nomme Folha (« Feuille »).

Carminho (née en 1984)Folha. Carminho, paroles ; Júlio Proença, musique (Fado Proença).
Carminho, chant ; Bernardo Couto, guitare portugaise ; Marino De Freitas, guitare.
Extrait de l’album Alma / Carminho. Portugal, Mundo records, ℗ 2012.

Folha maldita, obedeces
Às mãos que nem tu mereces
Às mentiras do poeta.
Toda a negrura dos traços
Descreveram mil abraços,
Histórias de uma porta aberta.

Feuille maudite, tu obéis
Aux mains que tu ne mérites pas,
Aux mensonges du poète.
Cette noire écriture, ces lettres,
Ont décrit mille étreintes,
Histoires d’une porte ouverte.
Só tu sabes, folha branca,
A arte de tornar estanque
Essa seiva da verdade.
Contou-me histórias de amor,
Esse pobre fingidor,
Fez-me crer que tem saudade.

Feuille blanche, toi seule connais
L’art de figer
La sève de la vérité.
Il m’a tant parlé d’amour,
Ce pauvre simulateur,
Que j’ai cru qu’il aimait encore.
E tu, oh folha rendida
À mão que na despedida
Diz adeus sem ter partido,
Vai dizer a toda a gente
Que finge o que deveras sente
O meu poeta perdido.

Et toi, feuille soumise
À la main qui prend congé
Tout en ne partant pas,
Va dire au monde entier
Qu’il feint ce qu’en fait il sent,
Mon poète perdu.

Carminho (née en 1984). Folha (2012). Carminho (née en 1984). Feuille, traduit de : Folha (2012) par L. & L.

Ici encore on croise en eaux pessoiennes, avec une claire référence à Autopsicografia (« Autopsychographie »), l’un des poèmes les plus connus de Pessoa, publié en 1932 dans la revue Presença sous son « orthonyme », selon le terme employé par les spécialistes du poète — c’est à dire : son propre nom, « Fernando Pessoa », et non l’un de ses hétéronymes.

O poeta é um fingidor.
Finge tão completamente
que chega a fingir que é dor
a dor que deveras sente.

Le poète sait l’art de feindre.
Il feint si complètement
Qu’il en vient à feindre qu’est douleur
La douleur qu’en fait il sent.
E os que lêem o que escreve,
na dor lida sentem bem,
não as duas que ele teve,
mas só a que eles não têm.

Et ceux qui lisent ses écrits
Dans la douleur lue sentent bien
Non les deux qu’il a connues,
Mais celle qu’ils n’éprouvent point.
E assim nas calhas de roda
gira, a entreter a razão,
esse comboio de corda
que se chama coração.

Et ainsi, en ses engrenages
Tourne, jouet de la raison,
Ce petit train mécanique
Qui de cœur a reçu le nom.

Fernando Pessoa (1888-1935). Autopsicografia (1er avril 1931 [écriture] ; 1932 [première publication]). Fernando Pessoa (1888-1935). Autopsychographie, traduit de : Autopsicografia (1er avril 1931 [écriture] ; 1932 [première publication]) par Armand Guibert.

Il se trouve que Mísia, dans son album Ruas de 2009, avait chanté Autopsicografia, non sur la musique du Fado Proença (à laquelle elle a eu recours, deux ans plus tard, pour Que o meu coração se cansou), mais sur celle du très beau Fado Meia-noite.

Mísia (née en 1955)Autopsicografia. Poème de Fernando Pessoa ; Filipe Pinto, musique (Fado Meia-noite).
Mísia, chant ; Ângelo Freire, guitare portugaise ; Carlos Manuel Proença, guitare ; Daniel Pinto, basse acoustique ; Luís Pacheco Cunha, violon ; Daniel Mille, accordéon.
Enregistrement : Paris, studio Acousti.
Extrait de l’album Ruas / Mísia. France, Universal music France, ℗ 2009.

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