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L’affiche rouge • Renée Claude (+ Monique Morelli & Catherine Sauvage)

5 mars 2024

Pour mon goût, la plus belle version de L’affiche rouge, qu’on a beaucoup entendue ces temps-ci, reste celle de Léo Ferré, son compositeur — qui n’en est pas pour autant le créateur. Cette dignité revient à Monique Morelli, dont l’interprétation, assez belle, me semble toutefois manquer un peu de relief, je dois dire. Je lui préfère celle de Catherine Sauvage, parue la même année (1961), bien qu’elle souffre du défaut inverse. (On trouvera l’une et l’autre à la fin de ce billet.)

Parmi les innombrables reprises de L’affiche rouge que le temps a produites, en voici une que je trouve à la fois sensible, émouvante et juste. Elle est extraite du splendide On a marché sur l’amour, un album de la chanteuse québecoise Renée Claude (1939-2020) sous-titré Renée Claude chante Léo Ferré, paru en 1994.

Renée Claude (1939-2020)L’affiche rouge. Poème de Louis Aragon ; Léo Ferré, musique ; Philippe Noireault, arrangement.
Renée Claude, chant ; Philippe Noireault, piano.
Enregistrement : Montréal, studio Karisma, entre le 2 mai et le 8 juin 1994.
Première publication dans l’album On a marché sur l’amour : Renée Claude chante Léo Ferré. Canada, Transit, ℗ 1994.

Vous n’avez réclamé la gloire ni les larmes
Ni l’orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servi simplement de vos armes
La mort n’éblouit pas les yeux des Partisans

Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L’affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu’à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants

Nul ne semblait vous voir français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l’heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE
Et les mornes matins en étaient différents

Tout avait la couleur uniforme du givre
À la fin février pour vos derniers moments
Et c’est alors que l’un de vous dit calmement
« Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand

Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses
Adieu la vie adieu la lumière et le vent
Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erivan

Un grand soleil d’hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le cœur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline
Et je te dis de vivre et d’avoir un enfant »

Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient leur cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s’abattant

Louis Aragon (1897-1982). Strophes pour se souvenir. Dans : Le roman inachevé (1956). Première publication dans le quotidien L’Humanité (Paris), éd. du 6 mars 1955, p. 1, sous le titre Groupe Manouchian.

Monique Morelli (1923-1993)L’affiche rouge. Poème de Louis Aragon ; Léo Ferré, musique ; Pierre Berlioz, arrangement.
Monique Morelli, chant ; accompagnement d’orchestre ; Pierre Berlioz, direction.
Première publication dans l’album Chansons d’Aragon / Monique Morelli. France, Le Chant du monde, ℗ 1961.

Catherine Sauvage (1929-1998)L’affiche rouge. Poème de Louis Aragon ; Léo Ferré, musique ; Jacques Loussier, arrangement.
Catherine Sauvage, chant ; Jacques Loussier, piano.
Première publication dans l’album Chansons de Louis Aragon / Catherine Sauvage. France, Philips, ℗ 1961.

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