Amelita Baltar & Astor Piazzolla • Los paraguas de Buenos Aires
J’ai cru longtemps que Los paraguas de Buenos Aires (« Les parapluies de Buenos Aires ») était une chanson d’atmosphère, inspirée par une journée de pluie dans une grande ville et par l’humeur de mélancolie qui peut s’en exhaler — jusqu’à ce que je fasse vraiment attention aux paroles. Il s’agit au vrai de la chanson tragique d’un amour révolu et d’une solitude atroce. Le poème est d’Horacio Ferrer (auteur pour Piazzolla de Balada para un loco et du livret de Maria de Buenos Aires, entre autres). L’enregistrement est celui de la création (1972) : Piazzolla à la tête de son ensemble Conjunto 9 et le chant frémissant d’Amelita Baltar.
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Amelita Baltar (née en 1940) & Astor Piazzolla (1921-1992) • Los paraguas de Buenos Aires. Horacio Ferrer, paroles ; Astor Piazzolla, musique.
Amelita Baltar, chant ; Conjunto 9, ensemble instrumental (Astor Piazzolla, bandonéon ; Antonio Agri & Hugo Baralis, violon ; Néstor Panik, alto ; José Bragato, violoncelle ; Kicho Díaz, contrebasse ; Osvaldo Tarantino, piano ; Oscar López Ruiz, guitare électrique ; José Corriale, percussion) ; Astor Piazzolla, arrangements & direction.
Enregistrement : Buenos Aires, 1972.
Première publication : Argentine, 1972.
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Está lloviendo en Buenos Aires, llueve,
y en los que vuelve a sus casas, pienso,
y en la función de los teatritos pobres
y en los fruteros que a lluvia besan.
Il pleut sur Buenos Aires, il pleut
Et je pense à ceux qui rentrent chez eux
Et aux séances des petits théâtres miteux
Et aux marchands de fruits qui bénissent la pluie.
Pensando en quienes ni paraguas tienen,
siento que el mío para arriba tira.
« No ha sido el viento, si no hay viento », digo,
cuando de pronto mi paraguas vuela.
En pensant à ceux qui n’ont même pas de parapluie
Je sens que le mien tire vers le haut.
Ça ne peut pas être le vent, il n’y en a pas, je dis,
Quand tout à coup mon parapluie s’envole
Y cruza lluvias de hace mucho tiempo:
la que al final mojó tu cara triste,
la que alegró el primer abrazo nuestro,
la que llovió sin conocernos, antes.
Et il traverse des pluies d’il y a bien longtemps :
Celle qui, à la fin, mouillait ton visage triste,
Celle qui a égayé notre première étreinte,
Celle qui est tombée avant qu’on ne se connaisse.
Y desandamos tantas lluvias, tantas,
que el agua está recién nacida, ¡vamos!,
que está lloviendo para arriba, llueve,
y con los dos nuestro paraguas sube.
Et à force de remonter à travers toutes ces pluies
Nous voici à la naissance de l’eau
Et voici qu’il pleut à l’envers, vers le haut
Et nous montons, nous deux et notre parapluie
A tanta altura va, querido mío,
camino de un desaforado cielo
donde la lluvia sus orillas tiene
y está el principio de los días claros.
Il nous emporte si haut, mon amour,
Dans la démesure du ciel,
Jusqu’aux rives de la pluie,
À la naissance de la clarté des jours,
Tan alta, el agua nos disuelve juntos
y nos convierte en uno solo, uno,
y solo uno para siempre, siempre,
en uno solo, solo, solo pienso.
Si haut que l’eau nous fond l’un dans l’autre
Et nous transforme en un seul être,
Un seul être pour toujours, toujours,
Un seul, un être seul, perdu dans ses pensées,
Pienso en quien vuelve hacia su casa
y en la alegría del frutero
y, en fin, lloviendo en Buenos Aires sigue,
yo no he traído ni paraguas, llueve, llueve.
Qui pense à celui qui rentre chez lui,
Et à la joie du marchand de fruits,
Et qu’il pleut toujours sur Buenos Aires,
Et je n’ai même pas de parapluie et il pleut, il pleut…
Horacio Ferrer (1933-2014). Los paraguas de Buenos Aires (1972).
.Horacio Ferrer (1933-2014). Les parapluies de Buenos Aires, trad. par L. & L. de Los paraguas de Buenos Aires (1972).
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