Le jour de la disparition
Henry Holiday (1839-1927). Illustration pour The Hunting of the Snark (Lewis Carroll). Planche 10, The Vanishing. 1874.
Then silence.
Lewis Carroll (1832-1898). The Hunting of the Snark (1874). Fit the Eight, The Vanishing
Puis le silence.
Lewis Carroll (1832-1898). The Hunting of the Snark (1874). Huitième crise, La disparition. Traduction L. & L.
J’ai constaté quelque chose d’étrange, relativement à moi. Depuis quelque temps — oh, quelques mois à peine — je disparais tous les lundis, jusqu’à 21 heures. Je disparais. Même à mes propres yeux. C’est à dire que, ni moi ni personne ne pouvons me trouver.
Ça n’a aucun sens ce que tu dis. Si tu te cherches, c’est que tu n’as pas disparu. Je veux dire que : celui de toi qui cherche l’autre n’a pas disparu.
Mais je ne me cherche pas, ce serait impossible.
Mais, comment sais-tu que tu as disparu alors ?
C’est en dehors des moments de disparition que je m’en aperçois ; lorsque, rétrospectivement je consulte le compte-rendu de la semaine écoulée. Il y a un manque. Aucune trace de moi les lundis. Et cela, toutes les semaines.
Tu sais ce que tu devrais faire ? Il faut que quelqu’un te tienne la main le dimanche à minuit.
Ce serait inutile : la disparition est absolue, toutes les traces sont effacées, même dans les mémoires d’autrui (toi-même par exemple, il est impossible que aies pensé à moi aucun de ces derniers lundis). De sorte qu’on peut bien me tenir la main le dimanche à minuit, dès minuit et une seconde on se trouve avec sa propre main dans une position insolite, voilà tout.
J’ai constaté aussi que la durée de la disparition a augmenté depuis peu. Il y a encore trois semaines, le phénomène prenait fin à 20 heures. Mais la semaine suivante : 21 heures. J’ai cru à une erreur, mais non, c’est désormais 21 heures. Jusqu’à quand ? Est-ce un mécanisme qui s’est enclenché ? Est-ce que la disparition finira par mordre sur le mardi, et progressivement sur tous les autres jours de la semaine ?
L. & L.