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Le fado des étrangers. 1, La France

6 décembre 2009

Le fado, l’une des expressions artistiques de la très singulière âme portugaise, est probablement celle qui est connue et appréciée à l’étranger par le plus large public. J’ai pensé parcourir quelques uns des pays où l’on sait que le fado est bien accueilli, au point parfois de susciter des vocations locales.

Je commence par la France puisqu’elle est là autour de moi, et qu’elle est probablement le premier pays étranger non lusophone dans lequel le fado ait rencontré un succès véritable et durable, grâce en partie à l’immigration portugaise des années 60, grâce surtout à l’irruption d’Amália Rodrigues dans le monde français du spectacle en 1956, date de son premier récital triomphal à l’Olympia, à Paris. À partir de ce moment et jusqu’à la fin de sa vie elle ne cessera jamais de se produire en France, à Paris et ailleurs.

Amália à l'Olympia, 1967Amália à l’Olympia, 1967

Tout au long des années 60 elle était l’une des vedettes — comme on disait alors — du music-hall en France. Il ne fait pas de doute, ainsi qu’elle en convenait elle-même, que c’est le succès dont elle a bénéficié en France qui lui a ouvert l’accès aux autres scènes étrangères et a fait d’elle une célébrité internationale.

Mais au fond, est-ce véritablement la fadiste que les Français ont aimé en Amália ? Ou est-ce la chanteuse à la voix splendide et expressive, à son aise dans bien des répertoires, y compris la variété française ou italienne ? Si aujourd’hui on réalisait un sondage sur ce que les gens ont retenu d’elle, le résultat serait connu d’avance : la presque totalité des interrogés ne serait capable de citer qu’un seul titre, La maison sur le port.

C’est une chose qui m’avait frappé lors du concert donné par António Zambujo à Rennes en juillet 2009 : certains dans le public lui réclamaient La maison sur le port (en français dans le texte).

Énorme succès au Portugal en 1968 (je parle de la version originale d’Alberto Janes, Vou dar de beber à dor), ce morceau l’est aussi en France, où il a d’ailleurs été repris récemment par Sanseverino (2006) et par Juliette, sur la scène du Grand Rex à Paris en 2005 :

La maison sur le port (musique Alberto Janes ; paroles Pierre Cour) est aussi devenu un succès aux Antilles, adapté à la sauce zouk.

Mais en dehors de cette chanson-là on a du mal à repérer quelque fado que ce soit qui aurait été repris par un ou plusieurs chanteurs français, même dans notre langue. On relève tout de même Les cloches de Lisbonne, adapté par Francis Blanche du Fado da Madragoa (musique Frederico Valério ; paroles João Bastos) présenté la même année par Amália sur la scène de Bobino. Seulement la version française, qui fut l’un des grands succès de 1960, interprétée par Gloria Lasso, Luis Mariano, Gilbert Bécaud, Tino Rossi, Yvette Horner et d’autres, relève du répertoire de la chanson exotique en vogue à l’époque, et n’a rien à voir avec le fado. Idem du célèbre Avril au Portugal, la version française de Coimbra, créée par Yvette Giraud dix ans plus tôt, en 1950.

La reprise par Agnès Jaoui pour son album Canta (Tôt ou tard, 2006) du Fado do retorno, en duo avec Mísia et en portugais, peut donc passer pour une originalité.

Le Fado do retorno (poème de Lídia Jorge sur le Fado Estoril du grand guitariste Armandinho), a été créé par Mísia sur son album Garras do sentido (1998).

Et elle ne s’arrête pas en si bon chemin, Agnès Jaoui, puisqu’elle vient de récidiver dans son nouvel album Dans mon pays (Tôt ou tard, novembre 2009). Elle a cette fois Camané pour partenaire (A cantar é que te deixas levar, paroles et musique José Mário Branco).

Mais ça fait peu, au regard de la fortune que connaissent en France certains autres genres, pourtant aussi liés que le fado à une ville ou une région, notamment le tango. Pourquoi les artistes français s’intéressent-ils si peu au fado ? Peut-être parce que c’est un art vocal difficile, et au fond mal connu des Français, comme la langue portugaise elle-même. On le laisse aux Portugais — aux Portugaises surtout –, qui trouvent dans le sillon creusé par Amália un terreau encore fertile pour nourrir une carrière française. Mísia bien sûr, qui s’est établie à Paris, Cristina Branco, Mariza, Katia Guerreiro…

C’est qu’en France on ne connaît guère du fado que ce qu’on a bien voulu retenir du répertoire d’Amália, laquelle a progressivement orienté son art vers une forme de chanson, profondément portugaise, mais assez proche dans l’esprit de ce que Léo Ferré et Georges Brassens pouvaient faire entendre en France à la même époque. Et cela avec la collaboration déterminante d’un certain Alain Oulman, un musicien français.

L. & L.

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