Amália Rodrigues • Antigamente
De quand exactement date cet Antigamente, qu’Amália aimait tant ? Elle l’a enregistré deux fois en studio : à Paris en 1954, puis à Lisbonne en 1967, accompagnée par le flamboyant ensemble de guitares de Raúl Nery, sur un tempo beaucoup plus allant que la première fois. Ce second enregistrement a été réalisé au cours de la même session que Não é tarde, mais n’a été publié qu’en 1968 sur un disque 45 tours de quatre titres, en compagnie de trois autres morceaux enregistrés en 1966.
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Amália Rodrigues (1920-1999) • Antigamente. Frederico de Brito, paroles ; Júlio Proença, musique (fado Modesto).
Amália Rodrigues, chant ; Raul Nery & José Fontes Rocha, guitare portugaise ; Castro Mota, guitare ; Joel Pina, basse acoustique.
Enregistrement : Paço de Arcos (Portugal), studios Valentim de Carvalho, mars ou avril 1967.
Première publication dans le disque 45t Não peças demais à vida / Amália. Portugal, Valentim de Carvalho, ℗ 1968.
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Antigamente
Era coito a Mouraria
Daquela gente
Condenada à revelia
E o fado ameno
Canção das mais portuguesas
Era o veneno
P’ra lhes matar as tristezas
Autrefois,
La Mouraria était un refuge
Pour tous ceux-là,
Les condamnés par contumace
Et l’aimable fado,
Chanson des plus portugaises,
Était le poison
Qui endormait leur vague à l’âme.
E a Mouraria
Mãe do fado doutras eras
Que foi ninho de Severas
Que foi bairro turbulento
Perdeu agora
Todo o aspeto de galdéria
Está mais limpa, está mais séria
Mais fadista cem por cento
Et la Mouraria,
Mère du fado des temps anciens
Où vivait la Severa et ses semblables,
Qui fut un quartier turbulent,
A perdu
Tous ses anciens lupanars.
Elle est plus propre et plus sérieuse,
Le fado est tout ce qui lui reste.
Adeus, tipoias
Com pilecas e guizeiras,
Adeus ramboias
E cafés de camareiras
Nada mais resta
Da Moirama que deu brado
Do que a funesta
Lembrança do seu passado
Adieu les fiacres,
Leurs canassons et leurs grelots,
Adieu vie de bohême,
Les anciens cafés et leurs hôtesses…
De la populace
Prompte à donner de la voix
Ne reste que
Le triste souvenir de son passé.
E a Mouraria
Que perdeu em tempos idos
A nobreza dos sentidos
E o poder de uma virtude
Salvou ainda
Toda a graça que ela tinha
Agarrada à capelinha
Da Senhora da Saúde
Et la Mouraria,
Qui avait autrefois
Perdu la noblesse des sentiments
Et la puissance de la vertu,
A préservé
Tout le charme qu’elle possédait,
Accroché à la chapelle
De la Senhora da Saúde*.
Joaquim Frederico de Brito (1894-1977). Antigamente (antérieur à 1955).
.Joaquim Frederico de Brito (1894-1977). Autrefois, trad. par L. & L. de Antigamente (antérieur à 1955).
*La chapelle baroque de la Senhora da Saúde (N.D. de la Santé) est l’un des rares édifices publics ayant échappé aux destructions de la partie basse du quartier de la Mouraria.
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D’après son biographe, Vítor Pavão dos Santos, Amália tenait pour assuré que ce fado faisait partie du répertoire de Júlio Proença (1901-1970), fadiste et compositeur dont il subsiste quelques rares enregistrements 78 tours réalisés probablement au cours des années 1930. Júlio Proença est en effet l’auteur de la musique d’Antigamente, connue sous le nom de fado Modesto et qu’on trouve appareillée à plusieurs textes différents, interprétés par divers artistes. Júlio Proença le chantait-il lui-même avec ces paroles-là ?
Le thème desdites paroles constitue un lieu commun du fado du milieu du XXe siècle : la Mouraria, ce quartier de Lisbonne considéré comme le berceau du fado, lieu d’une certaine ambiance bohême caractéristique, perd une grande part de son âme à mesure que disparaît sa partie basse, démolie avec obstination par les pouvoirs publics à partir des années 1930 et surtout de 1946 au début des années 1960 (voir le billet Há festa na Mouraria • Amália, Marceneiro). Elles pourraient dater des années 1940. Leur auteur est Frederico de Brito (1894-1977), par ailleurs compositeur de fados, ce qui explique peut-être que, sans être remarquables, elles sonnent bien sur cette musique.
Le bel enregistrement de 1954, réalisé à Paris et publié en France l’année suivante, ne compte quant à lui que deux instrumentistes (Domingos Camarinha à la guitare portugaise, Santos Moreira à la guitare classique) :
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Amália Rodrigues (1920-1999) • Antigamente. Frederico de Brito, paroles ; Júlio Proença, musique (fado Modesto).
Amália Rodrigues, chant ; Domingos Camarinha, guitare portugaise ; Santos Moreira, guitare.
Enregistrement : Paris, 1954.
Première publication dans le disque 33t 25 cm Fallaste corazón ; Por un amor ; Grão de arroz ; Antigamente, … / Amália Rodrigues. France, Columbia, ℗ 1955.
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Antigamente a aussi figuré au répertoire de Lucília do Carmo, qui l’interprète dans son style bien personnel, plus populaire, moins lyrique que celui d’Amália – mais non moins délectable :
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Lucília do Carmo (1919-1998) • Antigamente. Frederico de Brito, paroles ; Júlio Proença, musique (fado Modesto).
Lucília do Carmo, chant ; Fernando Freitas & António Chainho, guitare portugaise ; José Maria Nóbrega & Orlando Silva, guitare ; Raúl Silva, basse acoustique.
Première publication : Portugal, Decca, ℗ 1971.
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