« Au revoir Marguerite Duras ».
C’est quelque chose qui a eu lieu aujourd’hui qui m’y fait penser. Juste à cette phrase-là, autrement la situation n’avait rien à voir.
Tu connais La vie matérielle probablement, ce drôle de livre fait d’un recueil de choses dites par Marguerite sur son quotidien hors de l’écriture, son emploi du temps de personne ordinaire ayant à survivre. Certains passages sont terribles, ceux sur l’alcoolisme, d’autres extrêmement drôles.
J’ai aussi une autre manie, puisqu’on parle des façons habituelles de se comporter. C’est d’adresser la parole à mes voisins surtout en avion. Je parle pour qu’on me réponde. Si on me répond c’est qu’on est rassuré, donc je suis rassurée à mon tour. Je parle du paysage, ou des voyages en général et de ceux en avion aussi. Dans le train je parle pour parler avec des inconnus, je parle de ce qu’on voit, du paysage, du temps. J’ai souvent un désir de parler, très vif, très fort.
Une fois, en avion, je suis tombée sur un monsieur qui ne me répondait pas, à aucune question, rien. J’ai abandonné. Je me suis dit que je ne lui étais pas sympathique. Il ne m’est pas venu à l’esprit qu’il ne me connaissait pas. Et quand il est parti il m’a dit : « Au revoir Marguerite Duras ». Donc c’était bien ça, il n’avait pas voulu parler avec moi.
La vie matérielle / Marguerite Duras parle à Jérôme Beaujour. – Paris : POL, 1987. – ISBN 2-86744-086-6. — P. 117.
Une autre fois je citerai pour toi le passage sur les animaux. Celui-là c’est la mort assurée, d’étouffement.
L. & L.